Son esprit n'était que douleur et cris. Ceux des occupants du petit jet qui devait la mener vers son fiancé. Mais tout était noir, aucune image ne lui revenait en tête, juste de sons violents et à peine discernables. Tout son corps la faisait souffrir, et dans sa bouche, un horrible gout d'eau salée et d'algue. Elle voulut crier, pleurer, mais elle en était incapable, son corps refusait de lui répondre. Dire qu'elle s'était envolée pour une nouvelle vie ! La voici aux portes de la mort. au fond, ce n'était peut être pas plus mal puisque de toute manière, son seul désir était de quitter un monde sans amour. Se marier avec un parfait inconnu ou mourir et rejoindre sa mère dans l'au-delà, les deux options se valaient au final.

Les minutes devinrent des heures, le soleil brulait la peau de la jeune femme. La douleur partait enfin, et le sale gout d'eau saline laissa place à celui du sable chaud et fin. Même les cris avaient disparus, et le cash de l'avion n'était plus qu'un vague souvenir. A ses oreilles ne parvinrent que le bruit apaisant du flux et du reflux des vagues venant se briser doucement sur la plage déserte.

Anna-Sophia ouvrit enfin les yeux, et le soleil radieux l'aveuglait -non- lui brulait les yeux. Pourtant, le soleil espagnol était lui aussi violent en été, mais ici, il semblait encore plus cruel. Anna-Sophia protégea ses yeux d'une main et laissa son regard trainer alentours.
Comme elle le supposait, l'océan l'avait rejetée sur une plage déserte aux allures de paradis perdu, et parsemés sur le rivage, les morceaux de carcasse de l'avion.
La jeune femme se redressa et s'examina : elle avait l'air parfaitement entière et épargnée par les blessures, elle ne comptait que quelques bleus douloureux, mais rien d'insurmontable. Ses vêtements étaient humides, un peu abimés, mais rien de bien méchant. Par contre ses bottes étaient gorgées d'eau de mer et faisaient "floc ! floc!" à chaque pas qu'elle faisait. Agacée, elle les enleva, car de toute manière, avec le sable, marcher avec aurait quand même été pénible.
Pieds nus, elle fit le tour de la plage, sans oser trop s'éloigner de son point de chute, de peur de croiser une bête sauvage, ou pire, un autochtone. Anna-Sophia n'était pas à l'aise avec les gens, ce serait tellement pire avec des gens dont elle ne comprendrait pas la langue et les coutumes.
Elle trouva une valise, éventrée, où il n'y avait rien de récupérable, à moins de faire des habits désormais en lambeaux des chiffons. Elle trouva une montre, mais l'eau de mer avait enrayé son mécanisme et était désormais inutile. Même le peu de nourriture ramassée était impropre à la consommation : l'eau saline avait tout noyé, tout rendu dégoutant.
Un peu plus loin, elle croisa un cadavre, méconnaissable mais portant l'uniforme des pilotes. Vu son état, il avait séjourné un certain temps dans l'eau, et Anna-Sophia commença à se poser de nombreuses questions : Où était-elle ? Etait-elle la seule survivante ? Depuis combien de temps avait-elle git inconsciente sur cette plage ? Et puis surtout, comment allait-elle s'en sortir ?
Elle se voyait mal survivre seule sur une ile déserte, et même si elle savait se battre (elle était vice championne d'escrime dans son lycée), elle n'avait par contre aucun appris aucun rudiment en terme de survie. Habituée à être servie dans le manoir familial, elle serait bien incapable de savoir faire du feu seule, et sans briquet. Alors pour ce qui était de se fabriquer des outils et chasser... son périple s'annonçait mal. Pourquoi n'avait-elle pas périt comme ce pilote ? Cela aurait été plus simple pour elle.

Soudain, alors qu'Anna était plongée dans ses pensées, Une silhouette se découpa lentement dans le paysage. La chaleur déformant première son image avant que celle-ci ne devienne plus nette. Une jeune femme apparut doucement dans le paysage, tractant une charrette qu'elle tirait comme elle le pouvait. Les roues s'enfonçaient lentement dans le sable augmentant la difficulté du tractage. Ne semblant pas tenir compte de la naufragé à prime abord, l'inconnue s'approcha et finalement s'arrêta. Considérant la naufragée sur toute sa hauteur, elle déclara doucement :
« Je vous pensait morte... vous étiez inanimé... Votre survie tient du miracle ! » Haussant un sourcil elle s'essuya les mains sur ses vêtements avant d'aller farfouiller dans la charrette. Se penchant pendant quelques minutes, son visage disparut du champs de vision d'Anna avant qu'elle ne se redresse avec une épaisse paire de gants usés.

Poussant une légère exclamation satisfaite, la jeune femme se dirigea vers les morceaux d'épaves encore brûlante qu'elle pouvait transporter. Elle attrapa une taule de taille conséquente et la tracta lentement jusqu'à la charrette :
« Je dois d'abord profiter du fait que je suis la première sur les lieux pour ramasser du matériel... » dit-elle déjà essoufflée par l'effort qu'elle fournissait :
« Mais après... je peux vous menez au village, là-bas vous pourrez vous trouver un travail... et assurer votre survie selon vos capacités ! Il suffit de vous renseigner à l'auberge... ils sont habitués à croiser des gens comme vous... »

Levant avec peine sa charge, elle finit par tracter la taule dans la charrette avant de s'arrêter de nouveau face à la jeune femme :
« Vous devez être choquée par ce que vous venez de vivre... mais ici... il faut s'adapter rapidement pour survire... » elle la détailla un peu plus :
« Vous avez l'air de n'avoir pas subit de grave blessure... est-ce que ça va ? »

Fanellia s'était approchée presque sans qu'Anna-Sophia ne la remarque. Ce n'est que le bruit lourd de la charrette de fortune trois fois trop encombrante pour une si frêle demoiselle qui lui indiqua la présence de cette dernière. D'ailleurs, elle n'avait pas l'air plus âgée qu'elle et la jeune bourgeoise ne se serait pas sentie le courage ni la détermination de trainer cette cahute.

La première surprise de la rescapée fut de constater l'île peuplée, et que l'autochtone du coin avait des traits très occidentaux. Une surprise accrue quand elle entendit l'inconnue parler la même langue qu'elle. Se pourrait-il qu'elle ai échoué sur un rivage connu finalement ?
Il était vrai que sa survie relevait du miracle, et elle ignorait encore à quoi cela était du, encore qu'elle n'était pas réellement intéressée de connaitre les tenants et aboutissements de cet exploit. Elle était là, bien en vie, dans un lieu qui ne lui disait rien, c'était tout ce que voyait Anna Sophia.

- Il y a donc un village, murmura la jeune femme à la mention des lieux.

Donc l'île était bel et bien civilisée. Il n'y avait donc pas de quoi céder à la panique. Il y avait toujours moyen de s'adapter, pourvu que ces gens soient comme cette inconnue, capables de parler sa langue.
Fixant un instant la jungle derrière elle, elle se comprit relativement chanceuse. Peut être que le Ciel voulait bien, dans sa grande mansuétude, lui accorder une seconde chance. Un sourire s'esquissa presque sur le visage défait de la señorita, avant de disparaitre. Ne pas crier trop vite victoire, car elle n'était pas encore tout à fait sortie d'affaire. C'était quoi cette histoire de trouver un travail ? Personne ne la ramènerait chez elle, ou vers son fiancé ? Ils payeraient grassement ces villageois pour son rapatriement.

- Moi ? Choquée ? Je ne sais pas. Je crois que je ne réalise pas bien en fait ce qui m'est arrivé. Mais perdona me, où sommes nous ? Et qu'est-ce donc cette histoire de trouver un travail ? Je ne comprends pas... un avion ou un navire ne peut donc pas me ramener chez moi ?

Puis, sa bonne éducation reprenant le dessus, elle changea un peu et se redressa, reprenant une contenance plus assurée et se présentant enfin :

- Madre de Dios, suis-je donc sotte ! Je vous harcèle de question sans me présenter. Je suis la señorita Anna-Sophia Theresa Esperanza Armadi Los Santos. Mais appelez moi Anna-Sophia, ou Anna, cela suffit généralement. Et vous êtes ?

Anna-Sophia aurait pu se montrer méfiante, ce qui serait à la fois logique et naturel, mais dans un environnement inconnu et sans doute hostile, toute personne proposant aide ou renseignement était bon à croiser. La méfiance n'amenait rien de bon.
Et puis, effrayée, elle avait plus envie de rester avec cette jeune femme inconnue que de tenir compagnie aux cadavres qui allaient bientôt recevoir la visite de charognards autre que les crabes. Surtout une fois la nuit tombée, et sans feu de camp.

Après une courte pause, Fanellia était retourner chercher une nouvelle taule brûlante. Ne répondant à la jeune femme qu'entre deux efforts, elle s'épuisait littéralement à en récupérer un maximum tout en veillant à pouvoir ramener sa charge. D'un seul coup d'oeil, elle s'était douté que la jeune fille avait une certaine éducation... et bien qu'elle parut douce et avenante, elle savait qu'elle serait très certainement repérée par la mairesse... cette femme aimait bien les belles choses... quoiqu'en un sens, cette opportunité serait une chance pour cette jeune fille qui aurait sans doute une vie un peu plus douce que les autres.

« Vous êtes ici su' l'île d'Islaberu... personne ne s'est jamais échappé d'ici, tous ceux qui l'ont tenté en sont morts.  Depuis la nuit des temps les survivants s'échouant ici se rassemblent et déterminent les critères sociaux qu'il faut avoir pour vivre au village. Je suppose que la vie sur l'île et le confinement n'a pas poussé les gens à développer une société équitable, ici tout marche au troc... rien n'est gratuit. C'est pour cela que je vous conseille de trouver rapidement un travail, il est important de devenir rapidement indépendant, sans quoi vous vous ferez exploiter. »

Ayant chargé à son maximum la charrette, elle prit une pause, balançant les gants sur les taules chaudes avant de s'asseoir pour quelques minutes. Le visage rouge d'avoir fournit un grand effort, elle renoua ses cheveux en hauteur de manière nonchalante avant de poursuivre :
« Une terre peut vous être allouée si vous avez de quoi la payer... »elle jeta un coup d’œil à la jeune femme.
« Vous n'avez pas l'air d'être habitué à ce genre de vie... il va falloir vous adapter. Vous semblez avoir de bonnes manière peut être que la mairesse sera intéressé par votre profil ? Elle dit être une femme d'affaire... peut être aura-t-elle besoin d'une secrétaire ? »

Se redressant finalement, elle pressa ses mains dans le creux de ses reins pour se cambrer avant de finalement conclure :
« Bien mademoiselle Anna, je suis Fanellia mais si j'étais vous, j'éviterai d’évoquer mon nom, je ne suis pas très bien vu dans le village. Vous n'aurez qu'à prétendre que vous m'avez suivit ! »
Ne semblant pas choqué par ses derniers propos, elle enfila des mitaines et commença la pénible et lente ascension de la plage avec son butin.

L'inconnue lui expliqua le plus aimablement du monde ce qu'était cette île, les conditions de survie et sommairement relata le fonctionnement des gens du coin. Une espèce de civilisation insulaire avait donc vu le jour quand les naufragés, de plus en plus nombreux, constatèrent l'impossibilité de s'enfuir des lieux. Peut être que c'était possible de partir, mais pour l'heure, il semblait évidemment qu'une solution n'avait pas été trouvée. Et sans doute pour certains, le retour à leur vie d'autrefois serait trop dur après des années passées sur cette île.

Enfin, ce n'était pas si terrible que cela. L'endroit avait du charme, avec ses allures de paradis tropical, son sable blanc et fin, sa mer translucide et turquoise, et sa jungle luxuriante. Tout était calme alentour, jusqu'à ce qu'une nouvelle tempête ne vienne secouer arbres et vagues, et amène de nouveaux naufragés. Anna-Sophia n'était pas seule, visiblement, il y avait du peuple par ici, et vivaient de manière organisé, en relative bonne entente, sans compter du bon accueil de cette curieuse personne.

- Je prendrais ce que l'on me proposera, fit-elle en haussant les épaules. Ce sera toujours mieux que rien.

Puis, l'inconnue se présenta comme étant Fanellia avant d'ajouter qu'il valait mieux éviter d'évoquer son nom. Une recommandation qui attisa la curiosité chez Anna-Sophia, et elle se demanda bien ce que sa bienfaitrice avait pu faire pour provoquer la méfiance et le mécontentement des villageois. Soit Fanellia avait fait quelque chose de terrible, soit les village n'était pas aussi plaisant qu'elle aurait pu penser.
Anna-Sophia leva un sourcil dubitatif, et porta son regard vers la jungle, cherchant une zone d'habitation qui restait invisible à ses yeux.

- Encantada de conocerte, finit-elle par répondre. Gracias, pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous n'êtes pas bien vue par les villageois ? Vous n'avez pas l'air d'une criminelle, et au vu de votre gentillesse j'ai du mal à croire que vous ayez fait quelque chose de mal.

Etrangement, Anna-Sophia avait dans l'idée que quelque chose clochait sur cette île et que son intégration n'allait pas être aussi simple que cela. L'endroit, malgré son air paradisiaque, lui laissait une impression qui se rapprochait de l'oppression.

- Perdoname, j'ai réellement conscience de poser bien trop de questions. Je dois déranger, no ? Pero, je ne connais rien d'ici, alors j'essaye d'en savoir un peu plus avant... avant...

De se retrouver dans une société construite et évoluée ? Qui fonctionnait très bien sans elle et dont elle n'était pas certaine qu'elle y avait sa place ? Décidément, elle ne se sentait pas à l'aise avec les gens, et se retrouver dans un village potentiellement hostile à son arrivée l'angoissait pas mal.

- Enfin, avant de me retrouver dans un bourg où je ne sais pas si on me fournira tous les renseignements que je souhaites.

Fanellia avançait lentement mais sûrement. Sa lourde charge avait tout pour lui casser le dos, mais elle ne semblait pas s'en plaindre. L’ascension de la plage lui prit un peu plus d'une heure, arrivée aux abords de la palmeraie elle prit une nouvelle pause :
« He bien... » elle souffla : «  Je ne sais pas exactement... les villageois ont toujours été méfiant à mon égard... ici les choses marchent beaucoup selon le paraître et certains prétendent que je suis une sorcière, enfin c'est ce que j'en ai compris ! »

Elle haussa les épaules :
« Mais vous savez, je ne m'en plainds pas, j'ai toujours été autonome. Ils existent des êtres magiques sur cette île... mais les villageois les ont toujours rejeté c'est pourquoi ils se sont exilés vers les zones encore inexplorées de l'île. »
Elle finit par lui retourner un sourire :
« Ne vous en faites pas … votre curiosité est tout à fait normal. Vous venez d'arriver ici, votre situation n'est pas évidente... bien que vous êtes l'une des plus calmes que j'ai rencontré jusqu'ici ! D'habitudes les naufragés sont souvent choqués et ont des psychoses passagères... C'est beaucoup plus difficile de les guider... »

Ramenant ses mèches de cheveux en dehors de son visage, elle regarda le chemin tracé... Elle devrait laisser sa carriole en route, qu'à cela ne tienne, elle la cacherait. Reprenant sa lente marche, elle laissa les roues cahoter son corps qui ne cessait de tirer sur ses efforts physiques. Le travail que Fanellia s'imposait pouvait paraître juste fou ! Qui s'imposerait de porter de telles charges ? Mais Fanellia savait qu'il fallait être plus que prévenant et prudent sur cette île.

En cours du chemin, elle finit par laisser sa charge, la protégeant des regards par de multiples feuilles de palmiers. Une fois ce travail accomplit, elle en fit le tour pour vérifier que personne ne pouvait la détrousser, puis revenant sur le chemin, tout en se massant une épaule, elle déclara :
« Je vai vous emmener au village... Le chemin est truffé de pièges pour repousser les prédateurs ! »
Lui lançant un sourire confiant, elle la guida au travers du chemin, lui indiquant les pièges au fur et à mesure qu'elles avançaient.

Finalement, au loin, se dessina un rempart de bois. Avançant au maximum, Fanellia s'arrêta en haut de la dernière pente qui la séparait de la porte d'entrée du village :
« Vous voilà arrivé. Je vai devoir retrouver mon packtage... Je vous conseille de vous diriger directement vers le centre et d'aller dans l'auberge. Là-bas, le tavernier vous donnera les informations concernant votre recherche de travail et votre nouveau logement... Peut être même qu'il aura lui-même besoin de quelqu'un ! »
Se tournant vers Anna elle lui fit un sourire :
« Avez-vous d'autres questions ? » Elle n'avait même pas songer à lui dire où elle habitait en cas de problème, estimant la jeune femme assez débrouillarde pour la suite.

La carriole de fortune était décidément bien trop lourde pour une si frêle jeune femme. Toutefois, au lieu de plaindre Fanellia, Anna-Sophia éprouva au contraire une très forte sympathie et une grande admiration. Perdue sur cette île étrange, Fanellia avait tout l'air de la survivante qui s'était parfaitement acclimatée et adaptée à son environnement. Loin d'être stupide, Anna-Sophia se doutait bien que la récupération massive de la carcasse de son avion et de toute affaire utile était nécessaire, puisque certaines matières premières ne devaient être accessibles pour Fanellia que dans ces restes régulièrement ramené au rivage par les remous océaniques.
Fanellia lui expliqua patiemment les rouages sociales du village, qui, de toute évidence, voyait la magie comme néfaste, hérétique, à l'image de cette période médiévale communément appelée "Obscurantisme". Pratiquaient-ils la chasse aux sorcières là bas ? Décidément, l'attrait de cette zone civilisée diminuait au fur et à mesure des paroles de Fanellia. Hélas, au ton de cette dernière, Anna-Sophia comprit également que rester avec elle plutôt que de rejoindre le village était exclu. Les "exilés" ne se mêlaient pas aux autres il fallait croire.

- Entiendo, répondit la jeune femme. Alors vous êtes une de ces Brujas comme on dit dans mon pays. Les phénomènes paranormaux vous suivent et les villageois n'aiment pas ça... Ils doivent s'imaginer que vous apportez el mal ojo, le mauvais oeil. Ils sont trop superstitieux à mon avis.

Son père l'était également, et depuis la naissance D'Anna-Sophia, il avait toujours pensé que sa fille était une sorcière qui avait aspiré et volé "le souffle de vie" de son épouse. Le brave petit chrétien de base en somme, et la jeune femme s'était toujours promis de rester plus ouverte d'esprit que son père ne le fera jamais.

- Vous savez, je ne vois pas pourquoi je devrais paniquer, fit-elle remarquer songeuse. Je suis en vie, c'est déjà cela. Peut être que mon éducation y est également pour quelque chose, dans ma position sociale, laisser ses sentiments et ses passions dominer c'est mauvais, très mauvais pour son image. Et puis, vous savez señorita, je n'ai pas laissé grand chose derrière moi, à part des regrets. Je n'ai pas de vrai foyer, je n'ai pas de lien très fort avec ma famille, personne ne souffrira de ma disparition, alors...

Anna-Sophia haussa les épaules, ne se sentant pas d'humeur de terminer sa phrase. Cependant, son ton laissait transparaitre de l'amertume, et une nette impression qu'avoir échoué ici était la meilleure chose qui lui soit arrivé dans sa vie. Bien qu'encore, elle jouait inconsciemment avec la bague de fiançailles encore restée à son doigt, comme le symbole de quelque chose qui ne pourra jamais se réaliser et qui pouvait s'annoncer prometteur.

Fanellia délaissa sa carriole surchargée pour l'amener aux abords du village, et ce faisant, elle lui enseigna comment trouver et éviter les nombreux pièges qui parsemaient les alentours. De quoi donc se protégeaient les habitants ? Des animaux sauvages (ils devaient être terribles si elle en croyait certains pièges) ? Ou de ces Brujas, ces exclus doués de dons surnaturels ?

- Bueno, gracias por todo.

Elle s'inclina légèrement pour remercier correctement sa bienfaitrice. Elle trouvait d'ailleurs dommage de ne pas pouvoir continuer à discuter avec elle. C'était rare qu'elle se montrait aussi loquace et intéressée par quelqu'un. Sans doute que le naturel, la gentillesse et la patience de Fanellia y étaient pour beaucoup.

- Je vais me rendre là où vous m'avez dit, et ne vous inquiétez pas, je ne ferais pas mention de votre rôle dans ma venue jusqu'à leur village. adiós !

D'un geste de la main, elle fit ses derniers adieux à sa bienfaitrice, puis elle se dirigea vers un pas ferme vers le village, et avec toute sa détermination, irait parler à ce fameux tavernier qui devait lui trouver un emploi.
Une nouvelle vie commençait, sous le soleil de l'inconnu...

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