Aiden avait un trac fou, il allait jouer pour la première fois devant un public. Il était à la fois stressé et extatique. Il pouvait entendre les chuchotements de l'autre coté du rideau, un sourire joyeux s'afficha sur son visage. Il tenait son violon d'une main ferme, même si le stresse était bien installé. Il ferma les yeux très fort et essaya de calmer sa respiration. Il avança d'un pas et eut l'impression de tomber dans le vide. Il poussa un hurlement terrifié, serrant son violon contre lui. Il atterrit brutalement et n'osa pas ouvrir les yeux tout de suite.

Il était effrayé et se demandait ce qui venait juste de se passer. Des larmes commencèrent à couler sans qu'ils puissent les retenir, ses mains tremblaient violemment sur son violon. C'est le bruit de vagues déferlant sur une plage ? qui le ramena à la réalité et réveilla sa curiosité. Il osa ouvrir un œil puis un second. Il regarda attentivement autour de lui de plus en plus incrédule. Rêvait-il ? Comment pouvait-il se trouver sur une plage alors que quelques minutes plus tôt il était sur le point de jouer du violon sur une scène ? De la main tenant son archet il se pinça.

"Aie ! Ça fait mal ! Je ne peux pas être dans un rêve si j'ai mal." Se chuchota t-il à lui même.

Il regarda de nouveau autour de lui, il n'osait pas bouger, il était vraiment terrifié. Il se retenait de pleurer une seconde fois, mais il était visible qu'il était à deux doigts de le faire.

"Y'a quelqu'un ?" Demanda t'il d'une toute petite voix, ayant peur tout seul au milieu de cette plage déserte.

Fanellia arpentait la plage à la recherche de matériel pour tenter de rénover sa maison. Un large sac de toile porté en bandoulière, elle avait ramassé des galets et longeait désormais la palmeraie à la recherche de noix de coco. Scrutant les arbres avec attention, elle avançait d'un pas tranquille contre le vent qui lui fouettait parfois le visage. Concentrée sur sa tâche, elle n'avait presque pas remarqué l'enfant avant que sa voix juvénile ne s'élève. S'arrêtant, elle le chercha des yeux et finalement le repéra. Il semblait perdu et surtout effrayé.

S'approchant lentement, elle décida d'annoncer sa présence:
"Oui! Est-ce que ça va?!"
Lorsqu'elle fut rendu à son niveau, elle reprit d'une voix plus douce:
"Qu'est-ce que tu fais ici?... Les environs ne sont pas sûr tu devrait te trouver au village..." dit-elle songeant qu'il s'était sûrement égaré. Elle ignorait s'il se laisserait d'ailleurs ramener... Après tout elle était la sorcière du village! L'observant avec calme, elle tenta de l'apaiser par sa gestuelle lente et calme:
"Comment t'appelles-tu?"

Aiden sursauta à l'entente d'une voix féminine, il se tourna brusquement dans sa direction. Il regarda la jeune femme approché avec soulagement, elle avait l'air gentille. Il serra son violon contre lui, comme pour se réconforter ou se donner du courage...

"Je suis perdu... je... j'étais à un endroit et puis... j'étais ici au milieu de nul part !" Sans qu'il ne puisse les retenir des larmes affluèrent et il se mit à pleurer. C'était vrai après tout, mais qui allait le croire ? Il allait passer pour un fou !

"Où est ce que je suis ? C'est dangereux ici ?" Demanda t'il avec frayeur à la remarque de la jeune femme. Il commença à regarder partout autour de lui terrifié, il se comportait comme un gamin et ce n'était pas digne de lui. Mais il avait bien trop peur !  "Le village, mais quel village ?" Questionna t'il avec une voix de plus en plus aiguë et paniquée.

Il prit une inspiration tremblante, essayant de calmer ses larmes et ses nerfs. Il serrait toujours son violon contre lui, comme ci celui-ci allait le protéger.

"J... je... m'appelle Aiden. Vous êtes qui vous ?" Il avait parlé d'une voix tremblante et hésitante.

Fanellia vit la panique le saisir de nouveau. Cherchant à l'apaiser, elle effleura son épaule et lui intima de ne pas faire tant de bruit en posant son index contre ses lèvres:
"Nous sommes en journée... donc... ce n'est plus si dangereux... mais le temps est menaçant, il faut faire attention."
Lui offrant un maigre sourire de réconfort elle ajouta:
"Allons ne pleures plus je suis là maintenant. Je m'appelle Fanellia... et comme toi je suis arrivée ici sans savoir comment... Beaucoup de gens apparaissent sur cette île."

Elle secoua la tête ne sachant pas trop comment confronter l'enfant à la dure réalité. Lui tendant une main pour l'aider à se redresser, elle avoua:
"Je vai te mener au village... Tu y seras plus en sécurité. Je vai essayer de te trouver quelqu'un qui pourra s'occuper de toi. Ne t'en fais pas tout va s'arranger." Lui souriant doucement, elle espérait qu'il consente à la suivre... Regardant autour d'elle d'un air prudent, une nouvelle bourrasque les fouetta.

Le jeune garçon tourna un regard perdu dans celui de la jeune femme. Il hocha la tête comprenant qu'il était nécessaire qu'il se calme. Il essuya du revers de sa manche ses larmes, son violon toujours en main. Elle était vraiment gentille et douce, ça changeait vraiment de sa grand-mère ! Il cligna des yeux, une île ? Il était sur une île ?

"Une île ? Mais comment des gens peuvent apparaître ici, sans raison ? C'est pas logique !"

Il prit la main que lui tendait Fanellia pour se redresser. Il était quand même méfiant, c'était quoi le village dont elle parlait depuis le début ? Elle était quand même très insistante avec ce village, mais peut-être voulait-elle juste l'aider.

"C'est pas un piège ? Vous faites pas du trafic d'enfant ?" Questionna t'il avec défiance. "Dites comment vous savez que ça va s'arranger ? Parce que y'a l'air de rien avoir ici ! Comment on repart de cette île ? C'est possible au moins ?

Il débita à une vitesse effrayante toutes les questions qui lui traversait la tête. Et encore Fanellia avait de la chance, il se contenait un peu...

De toute évidence le petit ne savait absolument pas où il était. Se rendant compte de sa méprise, Fanellia secoua la tête et s'excusa:
"Je vois... tu viens d'arriver. Excuse moi... j'ai pensé que tu venais du village..."
Elle pinça ses lèvres dans un réflexe nerveux et ajouta:
"Rien n'est logique ici... Les gens viennent de toute époque, de tous monde..."

Le gamin la suivit et alors qu'ils remontaient en direction de la palmeraie, il lui posa une question si absurde qu'elle ne put s'empêcher d'en rire:
"Du trafic d'enfant?!" Son rire se prolongea quelques peu avant qu'elle ne se calme:
"Non... rien de tout cela. En vérité nul n'a encore trouvé le moyen de partir d'ici... Moi-même je suis là depuis plusieurs années. Les survivants ont construit un village un peu plus loin... En général les gens arrivent ici à la suite d'un naufrage ou d'un accident..."
Elle le considéra du coin de l'oeil et termina d'une voix sincère et contrite:
"Je suis désolée... C'est une dure réalité... mais ce serait injuste de te mentir."

Elle attendit qu'il encaisse un peu le choc:
"En ce moment l'île est mouvementé... la vie n'est pas toujours facile ici... mais si on est courageux et travailleur on peut s'en sortir... Je suis certaine qu'au village il y aura une personne bienveillante pour toi... je peux te mener à des personnes qui sauront prendre soin de toi... Moi je ne peux pas t'accueillir ma maison a été ravagé par le dernier ouragan... Offrir des conditions de vie pareil à un enfant est impensable..."

Le garçon fronça les sourcils.

"Pourquoi je quitterais le village pour cette plage sinistre avec un temps pareil ?" Demanda le jeune garçon, question très logique pour un enfant qui avait peur de son ombre. Sans parler de son hypocondrie qui l'aurait sans aucun doute poussé à rester enfermé chez lui par un temps aussi maussade.

Il tourna son regard vers la jeune femme, comprenant ses paroles mais ayant beaucoup de mal à les concevoir. Ce qu'elle disait lui paraissait impossible, bien que les théories des mondes parallèles et ce genre de chose était réaliste. Que ça lui arrive à lui paraissait tout bonnement improbable, on aurait dit un vaste canular. Pourtant, il savait qu'il y avait certainement une part de vérité, cette plage ne ressemblait à rien de ce qu'il avait déjà vu. Et surtout, la téléportation n'existait pas de là où il venait... Personne n'avait d'intérêt à le faire disparaître de façon définitive non plus.

"Je n'ai pas eut d’accident moi ! J'allais monter sur scène et montrer à quel point je suis le meilleur !" Se vanta t'il. Passant du coq à l'âne comme il le faisait souvent, il passa directement aux questions qui trottaient dans sa tête. Curieux comme il l'était, elles affluaient rapidement. "Comment vous savez qu'on ne peut pas partir d'ici ? Quelqu'un a déjà essayé au moins ? Y'a de la technologie dans ce village ? Pourquoi vous reconstruisez pas votre maison ? Vous vivez pas dans la rue quand même ? J'y pense vous avez des sanitaires décents ? Hein ?" Il ne releva pas qu'elle l'aurait bien prit chez elle, parce que ça n'avait pas d'importance si elle ne pouvait pas le faire. Il ne pu empêcher son hypocondrie de montrer le bout de son nez à la fin. Si le village avait subit une tempête comme Fanellia lui avait dit, il y avait de grande chance que toute la zone soit dangereuse pour sa santé et grouillante de bactérie. C'était sûr il allait attraper le tétanos !

Arrivant aux abord de la palmeraie, la jeune femme passa par un chemin un peu plus à l'abri que les autres tout en commentant la première remarque du garçon:
"Oui c'est pas faux... mais les garçons sont parfois plus téméraires qu'ils ne devraient l'être."
Haussant des épaules, elle haussa un sourcil et reprit:
"Le meilleur?... A jouer du violon je suppose..."
Elle se retint de lui dire que cela ne lui servirait pas à grand chose sur cette île et passa au sujet suivant:
"Pas mal de gens ont essayé... Il y a comme une barrière physique et magique autour de l'île... du moins c'est ce que tout le monde prétend. Ce qui est certain c'est cette barrière de vents contraires dans les airs et la barrière de corail dans les mers. Tous ceux qui ont tenté de s'en aller quelque soit leur technologie ont disparus ou on été retrouvés morts."

Un brin amusée par le comportement peu farouche du garçon, elle compléta encore:
"Je la reconstruit... mais tu conviendra qu'à mains nues c'est un peu compliquée non?... Les sanitaires existent... de même que divers autres technologies: on a des charrettes, des chevaux, des éviers, des chauffots... Enfin non je ne vis pas dans la rue, une amie m'héberge... mais dis moi... Tu parles beaucoup mais je n'en sais pas trop sur toi... D'où est-ce que tu viens? Tu as de la famille?... Je suis pas sûre que la vie sur cette île corresponde vraiment à ce que tu vivais chez toi..." avoua-t-elle franchement.

"Bien sûr ! Je joue du violon depuis mes 5 ans. Mais je suis aussi très intelligent !" Ajouta t'il quelque peu inutilement. Il avait toujours eut un tempérament vantard, et avait du mal à se refréner. Comme-ci il était nécessaire d'exposer sa supériorité intellectuel à tous.

Il écouta religieusement les paroles de la jeune femme sur l'île, et ce qu'il entendit ne l'enchanta pas. Il était effrayé mais pour l'heure sa curiosité était plus forte que sa peur. Il était apparemment impossible de partir de cette île, de toute façon la manière dont il était arrivé était déjà une bonne indications sur ses chances de retour. Il l'avait compris même si c'était difficile à concevoir mais surtout à accepter.

"A mains nues ? Mais... mais vous n'avez pas de machine pour vous aider ?" Il se rendit compte qu'il avait posé sa question trop vite, Fanellia y répondait en répondant à son autre question. "Désolé, j'ai parlé trop vite !" Il rit nerveusement. Son caractère passionné et curieux lui jouait parfois des tours. "Je ne sais pas trop, je viens d'un monde où ils y beaucoup de technologie. La façon dont vous avez l'air de vivre ici, remonte à plusieurs siècles chez moi ! C'est horrible, comment je vais pouvoir m'adapter ?" S'écria t'il d'une voix aiguë.

"J'ai ma grand-mère, la pauvre elle va s'inquiéter ! Je ne peux même pas lui dire que je vais bien." Aiden avait terminé sa phrase avec tristesse et culpabilité. La pauvre vielle dame allait se faire un sang d'encre, après avoir perdu sa fille, elle perdait son petit-fils. Elle ne s'en remettrait pas. Aiden retint ses larmes d'impuissance devant sa situation.

A l'évocation de sa grand mère, Fanellia soupira doucement. Chacun avait perdu des êtres chers mais quand il s'agissait d'enfant c'était toujours plus dure... Ne sachant pas comment réagir, elle inclina le visage et proposa sans grande conviction:
"Tu pourras peut être jeter une bouteille à la mer avec une lettre... Si les gens arrivent ici, peut être que ta bouteille pourra repartir...C'est une chance à prendre."

Lui faisant un sourire enjoignant à la suivre, elle tenta de le réconforter:
"Ne t'en fais pas... tu t'y feras... On se fait à tout avec le temps. Je vai essayer de te faire héberger par une de mes connaissances si sa maison n'a pas trop souffert. Il y a quelques tensions au village en ce moment, je pense que tu te sentiras plus en sécurité si je te trouve une personne bienveillante. La route va être un peu longue, mais on fera des pauses."
S'en suivit alors une longue marche, la demoiselle s'arrêtant autant que le désirait le petit, lui offrant parfois à boire dans sa gourde en peau.

Le garçon la regarda attentivement à sa proposition, et il vit bien que Fanellia n'était pas convaincu par ses propres paroles.
"Vous n'y croyez pas et moi non plus. Je veux dire, comment envoyer une bouteille par la mer pourrait m'aider ? Ma Grand-mère n'habite pas près de la mer et je ne sais même pas comment je suis arrivé ici." Il soupira désabusé, comprenant qu'il ne pourrait pas l'informé. Réfléchir à ce sujet lui avait permis de distancier sa peine, pour le moment.

Il acquiesça mollement aux paroles suivantes de la jeune femme, son regard était vide. Il porta la main au médaillon qu'il portait autour du cou. Pensant à ses parents morts, mais surtout à sa grand-mère. Il n'avait pas été gentil avec elle, lui parlant peu, l’ignorant quand elle essayait d'évoquer ses parents ou l'accident. Il serra plus fort le médaillon, se jurant qu'un jour il trouverait un moyen de la contacter pour lui dire qu'il allait bien. Il espérait surtout qu'elle serait encore en vie.

Il suivit Fanellia dans un silence pesant, ne desserrant que peu les lèvres, son attitude contrastant avec son comportement curieux et bavard plus tôt. Il était perdu dans ses pensées, repensant aux dernières paroles qu'il avait dite à sa grand-mère. Il demanda régulièrement des pauses soit pour boire, soit pour prendre discrètement un sucre. Il surveillait son hypoglycémie, il ne voulait pas en parler à la jeune femme. C'était ses affaires après tout. La fatigue et le silence le firent sortirent de son mutisme après s'être pris une énième fois une racine.

"Saleté de racine !" Ronchonna t'il. "Dites on en a encore pour longtemps ? J'en ai marre, j'ai mal au pied et je suis fatigué." Geint- il d'un ton plaintif et désagréable.

Le jeune garçon n'était pas dupe. Secouant la tête la jeune femme concéda:
"Je suis désolée... Tu as raison."
La marche était difficile... Il était lent et prompt à s'emporter. La patience de Fanellia s'érodait lentement et à sa dernière plainte, elle se décida à le mettre un peu plus face à la réalité:
"Tu devrais parler moins fort tu sais?... Le village est encore à deux heures. Le chemin est long mais récemment la terre à bouger, je ne sais pas si les pièges ont bougé. Nous ne sommes pas seuls sur cette île: il y a des animaux dont certains sont de redoutables prédateurs... Les villageois ont posés des pièges un peu partout pour se défendre d'eux entre autre chose... Alors marche bien derrière moi, il serait fâché que tu te prennes le pied dans un piège à loup."

Observant si la mine rougit du garçon allait blêmir. Sans lui montrer qu'elle le malmenait gentiment dans ses convictions, elle reprit le chemin l'aidant du mieux qu'elle le pouvait. Elle lui proposa même de la porter sur les deux derniers kilomètres. S'il acceptait elle le hisserait sur son dos. Arrivant au village, elle se dirigea chez Anna.

[suite à un petit orphelin]