Mauvaise blague

D’abord un son, un roulis agréable et apaisant… Un autre, perçant, crissant, exaspérant… Le cri du volatile semblait défier l’homme étendu sur le sol.

Une lumière vive envahissait ses sens alors qu’il entrouvrait les yeux. Une douleur violente lui vrilla le crâne, à la limite du supportable. Il se mordit la langue pour ne pas crier…

Bientôt la douleur s’estompa, l’esprit préoccupé par d’autres priorités.

*Qu’est-ce que… Mais où ?*

Un goût amer lui restait sur la langue tandis qu’entre ses doigts le sol s’égrainait lentement.
*Du sable ?! * Les yeux toujours clos, il ne pouvait que le deviner. Ses membres étaient engourdis comme après des heures d’un exercice physique rigoureux. Sa tête cognait plus fort…

Péniblement il se hissa sur un bras et ouvrit doucement les yeux.  L’océan, à perte de vue… De l’eau, partout… A mesure que sa vue s’habituait à la lumière éclatante, un récif acéré se dessinait. Dressé tel un anneau menaçant empêchant tout passage vers le large.

*pfiou*

Sans trop y croire, il porta la main vers l’angle de sa nuque et de son épaule et s’aperçu avec plaisir de la présence de Corvenin. Se sentant moins nu il pensa :

*Par les dieux d’en haut et d’en bas, qu’est-ce que je fous là ?! Hier encore j’ me promenais dans la ville Haute des Havres et j’suis prêts à parier mes bottes que c’est pas la porte à côté…*

Observant autour de lui, il ne remarquait aucune trace, pas d’empreintes de pas et encore moins celles d’une quelconque embarcation. Il remarquait d’ailleurs que ses vêtements étaient aussi sec que le cœur de son ex et cela n’était pas pour le rassurer.

*Nan mais sérieux, c’est quoi ce bordel ?! *

Il parvint à se dresser sur ses jambes mais, ce fût au prix d’un nouvel effort exaspérant. Crachant de dépit le peu de salive qu’il lui restait. Le tranchant de sa main en visière pour se protéger, il observait tout azimute, à la recherche du moindre indice lui permettant de se localiser.

En vain… Pire que cela, plus il observait et plus sa mâchoire tombait d’incrédulité.

*Des tornades dans l’ciel, un anneau imperméable dans la mer, une jungle impénétrable, des montagnes aussi raides que la dalle que j’ai en pente et pas la moindre idée du pourquoi et du comment j’suis arrivé ici, quant à en repartir j’te raconte pas…

En plus, pas la moindre donzelle pour me tenir compagnie dans ce trou… Ah ! Si seulement Aléra de « velours et satin » pouvait se trouver là ! Je… Ouaip, t’emballe pas mon gars si tu veux mon avis, t’es pas près de la revoir la petiote…*

Harassé par le nombre de ses pensées qui ne semblait avoir ni queue ni tête, il se laissa retomber sans grâce dans le sable fin. Tiède, chauffé par le soleil, il pénétrait dans ses sous vêtements, lui laissant une désagréable sensation et une irrésistible envie d se gratter. Ce qu’il fît avec l’innocence d’un nouveau né.

Ainsi installé il pensait. Tournant et retournant le problème en tous sens sans y déceler la moindre piste. Un nouveau soupir, plus long, franchit ses lèvres. Il sorti la main de son entre jambe et la plongea dans la poche gauche de sa veste pour en sortir un paquet de cigarettes tout fripé. D’une tape nonchalante sur le dessous il en extirpa une et la coinça entre ses lèvres. Le regard toujours perdu sur l’horizon, il fouilla sa botte gauche et y trouva son briquet à pétrole.

Machinalement, il alluma sa cigarette, rangea le briquet et s’allongea sur le dos. Le fin baton tordu laissait s’échapper un épais voile de fumée pendant que l’homme continuait d’envisager toutes les possibilités. Passant en revue les derniers boulots qu’il avait accomplis en ville.

*Pas toujours net ouaip… J’connais deux trois trucs embarrassants sur deux trois types plutôt influant, sûr… Pourtant j’vois pas qui serait assez balèze pour m’enlever aux Havres sans même que j’m’en aperçoive et me déplacer dans ce camp de vacance… Et puis pour mon silence un bon paquet de blé aurait suffit…Surtout quand je vois pas de quoi il s’agit !*

Il ne savait quoi faire ni par où commencer alors, il tira une nouvelle bouffée de cigarette. La fumée lui réchauffait la gorge avant d’être expirée. Il se leva de nouveau, enfin convaincu qu’il n’apprendrait rien le cul vissé sur la plage à penser. Il souriait à sa mauvaise fortune comme à une vieille amie, résigné.

Il s’exprima simplement :

« Et merde… »

Glissant dans sa poche droite, sa main se referma sur un étrange objet. Il le retira et l’examina, coincé entre le pouce et l’indexe.

Une simple pièce d’un métal léger, d’un diamètre de 4 centimètres pour un demi d’épaisseur, parfaitement ronde. Le fond était rouge, un six  parfaitement incrusté des deux côtés de la pièce.

* Du bon travail… * pensa-t-il en la faisant nonchalamment tournoyer dans les airs grâce à son pouce.  * …mais tout aussi étrange que l’reste. J’pense que tout cela m’ennuie déjà.*

Rangeant la pièce où il l’avait trouvée tout en gratifiant le récif annulaire d’un dernier regard dubitatif, il tourna les talons et s’éloigna du bord de mer.
Le temps se faisait lourd et les vents se levaient alors qu’il atteignait les premiers arbres. Le sol se faisait plus ferme, le mal de tête se dissipait lentement…

HRP : hop, un bon gros repost ! XD

La mer avait finit par le rejeter.
Après avoir goulûment dévoré l’embarcation qui l’avait accueilli deux semaines plus tôt au port brumeux du petit matin, les vagues délaissent le corps paraissant sans vie du médecin…
Comme une déglutition lente et calme, les flots le relâchent par ondes repoussantes.
Les petites vagues de la plage glissent le long de ses jambes jusqu’à son buste, ignorant un visage fiché en pleine face dans un tas de sable friable. La flotte qui clapote semblent vouloir y regoûter ; à ce corps qui ne bouge pas, faisant comme le mort, afin de s’assurer à chaque nuage d’écume que l’organisme ne fut pas comestible à ce stade…

La chevelure blonde du médecin sèche rapidement, s’éparpillant autour de son crâne telle une méduse mollement échouée. Manquant d’air au milieu de ses grains de sable, il relève le menton dans un mouvement soudain.
Les yeux fermés, les sourcils froncés, il souffle devant lui de l’eau de mer avant de toussoter. L’une de ses mains se plaque sur son visage afin de le débarbouiller du sable qui l’y colle, puis le médecin reprend sa respiration. Ouvrant un œil, d’abord ébloui par la réflexion du soleil sur la plage, Raphaël pousse un gémissement avant de se redresser sur les genoux, le cul coller aux talons.
Sa main disposée à ne pas frotter la chevelure ensablée, vient dégager un paquet de cigarette vide d’une poche…
Remarquant l’inutilité de la chose, le médecin soupir et regarde enfin le paysage qui se dessine face à lui. Il s’élève en une haute zone d’ombres qui se dressent en montagnes, puis s’étale à leurs pieds une forêt tropicale.

« … » Il reste sans voix…
Le naufrage n’a pas été oublié et s’insinue dans sa mémoire vive comme un évènement non traumatisant… enfin… l’équipage au complet à du y rester. Raphaël s’est accroché à la vie pour ne pas finir noyé, mais visiblement il n’y pense déjà plus. L’intérêt que cette île lui provoque est à cet instant au premier plan de ses préoccupations. Sans compter la fatigue et ses récentes dépressions qui le tiennent à distance de quelques traumas directs.

Dans son champ de vision une ombre noire va et vient doucement. Elle attire bien brusquement son attention dans l’eau. Sursautant, il se redresse tout aussi vite avant de s’élancer vers son bien flottant.
Ses jambes sont engourdies, le soleil frappe fort, la montée du sang au crâne ne se fait pas comme elle le devrait et l’homme trop pressé se retrouve sur les genoux dans la flotte.
Les mains s’activent à chercher la mallette, tandis que son regard se couvre d’un voile lourd et noir.
Secouant le visage pour chasser symboliquement les paillettes multicolores qui dansent devant son regard, les fourmis grignotant ses jambes s’évacuent à l’eau froide qui les noie. L’irrigation de son sang reprend ses droits et le malaise s’échappe.

Reposant la mallette sur le sable, Raphaël l’ouvre et s’empresse de vérifier que ses ustensiles y sont…
Ne se rassurant pas plus de leur présence au complet, il s’apprête rapidement à chasser le sable du creux de son bras gauche. Après la préparation d’une seringue faite avec la dextérité de l’habitué, Raphaël tapote la veine qui pulse sous sa peau avant d’y planter l’aiguille qui délivre son mélange aqueux et d’un vert émeraude…
Une fois fait, le médecin soupir et relâche toute tension… finissant assit sur l’eau, comme délivré d’une pression qui s’était si soudainement insinuée dans son esprit.

Rouvrant un œil plus serin sur cette plage vide, il croit voir une ombre marcher vers les bois qui s’approchent à distance respectable de la mer. Cette forêt marque une sorte de limite naturelle au no man’s land que le sel trace à l’aide d’embruns.

« Hé !!! » Hurle-t-il dans le vent qui se lève dans son dos, chahutant sa chevelure blonde et portant peut-être sa voix plus loin vers ce qu’il a cru voir ?
Un naufragé du bateau ? Un autochtone ?...

Poussé par le vent montant, l’appel se répercuta faiblement à ses oreilles. Un son dénotant de la silencieuse quiétude du bord de mer. Il s’arrêta, figé. Son réflexe lui avait fait porter la main gauche sur les lanières de cuirs entourant le manche de Corvenin. Un son, une voix, des ennuis…

Il croyait être seul et perdu, en paix. Il ne lui fallu pas longtemps avant de s’apercevoir du contraire. Du moins obtiendrait-il certaines réponses…

L’homme se retourna enfin, lentement, comme redoutant une malheureuse rencontre en été au détour d’une rue.

Les reflets de l’océan lui firent plisser les yeux.

D’abord, rien…

Puis, par instants, se découpait une silhouette à travers les miroitements de chaleur. Plus elle avançait en s’allongeant et plus l’homme distinguait de détails concernant le nouveau venu.

Celui-ci était grand et longues étaient ses foulées

* Une course de sportif ça, pas celle d’un combattant… * Pensa-t-il avec un brin de mépris.

* Bien, si il veut se mettre à courir sous ce cagnard libre à lui… Moi je vais l’attendre ici !* Ajouta-t-il pour lui-même en se dirigeant vers le tronc d’un arbre étrange.

En quittant la plage déjà il s’était intrigué de ces arbres filiformes à l’étrange ramure. De longues feuilles s’éloignant d’une branche centrale et qu’il comparait à des palmes… Il n’en avait jamais croisés de la sorte près des Havres, il en était certain…

Installé, il poursuivit son observation en s’allumant une nouvelle cigarette.

L’homme voyait mieux à présent. Il fronça les sourcils.

L’autre avait les mollets à l’air et pas de manches à sa chemise.

* Tu vas bien t’amuser en traversant la jungle ou en escaladant la montagne mon coco… *

Il était blond et sa longue crinière avait subi les affres de l’eau de mer. Un visage fin et symétrique, le nez droit, presque parfait. Glabre, sans même une cicatrice… Le type même du tombeur.

* Mmmmh, pas sûr que ta gueule me revienne à toi… * A sa décharge, il en avait toujours été ainsi. L’homme n’aimait souffrir la concurrence et lorsqu’il croyait s’imaginer, à tort ou à raison un rival en quelqu’un, il avait une manière bien à lui de régler le problème…

Quoi qu’il en soit, telle n’était pas la question. Lorsqu’il remarqua la sacoche noire que la méduse blonde semblait serrer comme un fabuleux trésor, il se dit qu’elle pourrait être plus intéressante qu’il n’y paraissait de prime abord.

Ainsi, la silhouette terminait sa course et un fringuant jeune homme se tenait devant lui. L’homme ne dit rien, se contentant de le fixer d’un regard sans expression à travers le voile de fumée qu’il expirait encore.

Raphaël était resté sur le bord de la plage entre l’eau et le sable sec. Assit sur ses talons, la mallette encore ouverte devant lui, une seringue vide se fige entre ses doigts…
Lorsqu’il avait hurlé à l’attention de la silhouette il avait attendu qu’elle le remarque. L’idée d’avancer vers ‘elle’ ne l’avait pas effleuré ! Se lever pour aller vers l’inconnu ? Même s’il s’agissait de l’un des rescapés de son bateau ?
Et si c’était autre chose… Et si Raphaël avait souhaité que la silhouette s’avance à lui plutôt que lui n’aille vers elle ?
D’ici, sur la plage, la vision est large. Vers la jungle épaisse qui sait ce qui pourrait en sortir pour vous épingler de près ou vous sauter à la gorge.

En somme le narrateur que je représente n’a pas souhaité le mouvement décrit par l’auteur de celui qu’il interpelle. Mais soit, allons donc… la curiosité de Raphaël sera piquée sur le vif. Et ne voyant pas l'ombre venir à lui il prendra l'initiative.
La silhouette l’a vu puisqu’à cette distance il perçoit un pivotement de l’ombre, attestant de l’écoute à son interpellation.

Le médecin, sans quitter l’ombre des yeux, range ses affaires rapidement et se redresse mallette en main. Il entame une marche lente puis plus rapide, au fur et à mesure que l’usage de ses jambes engourdies par les heures passées dans l’eau lui est rendu…
Mais Raphaël n’ira certainement pas courir ?! Quelle idée… marcher vite ok, mais sous cette chaleur ? Qui sait depuis combien d’heures son crâne cuit sous ces rayons ! Un petit effort et c’est l’évanouissement... d’autant que son estomac sonne creux depuis longtemps… c’est l’hypoglycémie qui menace !
Donc combattant ou sportif, il n’y a pas à le déterminer… le médecin avance en enjambées correspondant à sa taille, mais pas en course de marathon avec une mallette en main… Bref.

Raphaël stoppa ses gestes à moins de dix mètres de l’étranger. Observant en détail son anatomie et sa gestuelle au plaisir de la cigarette, il fronce le regard.

« Excusez-moi… vous… vous êtes sur cette île depuis longtemps ? »

L’homme n’avait pas semblé vouloir ouvrir la discussion alors soit... Raphaël le ferait sans gêne.
De sa main libre, il remet en place quelques mèches de cheveux éparpillées sur son visage encore humide d’eau salée et de la sueur qui avait commencé à perler contre son front…
Le soleil tapait haut mais fort… L’ombre des arbres n’était pas loin, mais la fraîcheur de la forêt ne s’étalait pas à la distance de sécurité qu'il maintenait entre elle et l’inconnu.
Méfiant, Raphaël attend.

HRP : Désolé pour le mouvement forcé, j'avais cru comprendre... Enfin j'ai lu entre les lignes, je veux dire... Bref je ferais un effort ^^' Encore désolé...

*Vous êtes ici depuis longtemps ?*

L'homme ruminait ces simples mots, laissant s’appesantir un silence gênant... Il observait son vis à vis avec la méfiance que lui-même exprimait son égard; ce qui le rassura quelque peu. Enfin des paroles franchirent ces lèvres, l'oeil toujours vide.

"Mmmmh pas vraiment... A vrai dire je viens... "d'arriver". J'avais dans l'idée que vous pourriez me dire où nous sommes..."

L'homme ne savait rien de ce nouvel individu mais il pensait cependant, au vu de ses vêtements détrempés et de son air hagard, qu'il se retrouvait dans une situation pour le moins analogue... Sans autres formes de procès, il se décida et avec son habituelle délicatesse :

"Même si je ne sais si je dois être enchanté, je me présente : on m'appelle Aigracier !" Lança-t-il en avançant d'un pas, sa main couturée d'anciennes cicatrices tendue.

[ Pas de soucis j'espérai juste que tu n'ais pas l'habitude sur d'autres rp de faire bouger les persos des autres Mais je conçois aussi le fait d’avoir été assez vague sur les intentions de mon perso à l’interpellation du tien.]

Raphaël redressa légèrement l'échine à la réponse de l'étranger, cillant un regard interloqué. -Un autre naufragé?- pensa-t-il... -bien étrange.- De quelle embarcation venait-il ?
Il avait peut-être été frappé par la même tempête que celle qui avait dévoré son navire ?
Le temps de questions internes est bref.

Lorsque la question sur l'identité du lieu franchis les lèvres de l’étranger, Raphaël décrocha son regard vert sur les alentours, explorant rapidement les lieux encore une fois.
Un flash rapide lui remis en mémoire sa vision floue de l'île lors de son arrivée... fouillant dans ses souvenirs lointains quelques brides d’images à moitié effacées.

"Bah... cette île me dit quelque chose mais... les îles se ressemblent toutes, nan?" tout en haussant un sourcil appuyant son hypothèse foireuse, il reporte sur l'homme un regard sincère.

Mais place aux présentations et cette fois-ci c’est l’inconnu qui lève le voile.
Raphaël achève de quelques pas la distance qui les sépare, l’air tout aussi méfiant mais moins lisible sur son visage qu’il défroisse d’un demi sourire :

« Enchanté, je m’appel Raphaël, je suis médecin… » Lance-t-il en tendant plus énergiquement sa main droite vers l’homme. Sa poigne gauche s’affirme contre sa mallette en même temps que se serrent les deux poignées de doigts masculins…

Laissant son regard quitter celui d’Aigreacier, il fait courir rapidement ses yeux verts contre le bras relié à lui par la poignée amicale. Remarquant les diverses cicatrices il ajoute :

« Je vois sans trop de difficultés que… vous êtes… chasseur ? Ou explorateur ?
Qu’est-ce qui vous a amené dans le coin, avant de vous échouer sur ce trou paumé ? »


Les mains se desserrent et le silence retombe un instant.

La poigne est ferme et le regard franc, attributs de qualité selon l’expérience de l’homme. Il se détend, il a décidé de s’ouvrir un peu plus à la confiance.

Avait-il seulement le choix ?

« Doc hein ?! J’ai comme dans l’idée que tes talents peuvent être utiles par ici… A peine le mégot touchait-il le sol que l’homme retournait à sa poche. Il réfléchissait mieux en fumant.

« Tu fumes doc ? “ dit-il tendant le paquet dans sa direction. Suite à la réponse de son interlocuteur, l’homme rangea son briquet à pétrole dans sa botte et enchaina :

Pour répondre à ta première question, je dirais qu’explorateur ou chasseur c’est du pareil au même… Disons que je prends ce qu’il y a prendre…

La seconde en revanche me laisse encore plus laconique en substance… Hier encore je me promenais dans les ruelles froides et humides des Havres dans les royaumes du Nord. Voilà tout ce que je sais doc.

Il fit une pause, observant la réaction du médecin. A vrai dire, si quelqu’un était d’aventure venu devant lui pour lui servir pareilles foutaises, il lui aurait rit au nez avant de copieusement l’insulter. A moins qu’il ne lui refasse simplement le portrait avant de passer son chemin. Quoi qu’il en soit c’était avant. Aujourd’hui, force lui serait d’y croire…

« A vrai dire, c’est comme si j’étais tombé du ciel… Je sais que ça a l’air dingue mais je ne me souviens ni d’un bateau, ni d’un naufrage ni de cette île, seulement de mon lit… Je sais pas pourquoi je te raconte tout ça, d’ailleurs !

Au moins cette conversation avait-elle eut le mérite de ramener l’homme à son point de départ. *Je sais que je ne sais rien comme disait le vieux…*

Raphaël ne pourrait pas l’aider à répondre à beaucoup de ses questions ; il en avait le mauvais pressentiment.

« Et pour toi doc ? Qu’est ce que tu viens faire par ici ?“

Raphaël se frotta l'arrière du crâne dans un rire gêné à la première conclusion du 'naufragé'.

« Ouais comme tu dis!
Enfin s'il n'y a que toi et moi, et j'espère me tromper... je 'te' serais surtout utile en cas de... »
Pointant du menton et du regard les cicatrices de l'homme il continue « …de mauvaises rencontres. Du genre au-dessus de tes compétences... Et au cas où tu t'en sortes vivant !
Parce que je n'sais pas encore ressusciter les morts. Hahaha... »

Cette rigolade qu'il prend à cœur joie, comme une pointe de soulagement dans cette merde noire que semble représenter l'île, n'est pas si franche.
'Ressusciter les morts'-hein...
La main libre du médecin accepte la cigarette si sympathiquement proposée :

« Ha yes ! Merci, ça tombe bien mon paquet a pris la flotte. Le votre a visiblement survécu, c’est bien sympa de proposer. »
Profitant certainement de la flamme du briquet de son ‘‘partenaire de la plage des mecs paumés’’, Raphaël tire sa première bouffée. Soupirant dans un instant de détente, il écoute la suite.
Vient l'explication de la venue étrange de l'homme sur l'île, sans bateau ni autre moyen matériel. Un portail? C'est la seule explication qui tient le médecin en question. Il avait usé d'un ‘portail transdimensionnel’ sur Daimos pour rejoindre le monde de Fanellia...
Cet homme aurait-il été victime d'un 'mauvais sort'?

« Hum... qui sait... vous êtes peut-être venu dans le coin par un coup de ‘pouce magique’? haha... herm… » Son sourire prend un air en proie au doute.
Cet homme était-il familier avec la magie? Les Humains de la terre l'acceptent assez mal. Il y avait eu pas mal de frictions dans sa vie avec ce rapport...
Ceux venus d'autres mondes pouvaient eu aussi rejeter ces dons ? Et… faire brûler leurs sorcières ?

Quoi qu’il en soit ce type avait l’air ‘normal’… Il allumait ses clopes avec un moyen matériel, ne semblait pas utiliser de magie pour guérir les plaies ou effacer les cicatrices ? Au premier coup d’œil en tout cas, il passe aux yeux du médecin comme un humain standard.
La vigilance est donc de mise.
S’ils sont seuls sur cette île autant ne pas se faire d’ennemis avec le peu d’alliés qui pourraient y subsister.

D’ailleurs… à y réfléchir Raphaël ne doit pas lui non plus sembler bien suspect sur l’utilisation d’une quelconque magie. Ok, résonnement remis à zéro.
Ce qui ne change pas la vigilance sur l’ignorance.
Inspirant profondément face à ce sac de nœud de pensées, certainement embrouillées à cause du soleil, le médecin s’explique sur la question posée :

« Hé bien je… j’étais en voyage.
Je comptais rejoindre l’Amérique du sud pour… la solidarité tout ça.
Enfin au final j’n’aurais aidé personne. Y’a des gamins qui compteront un médecin de moins. »
Ok… Soleil + sel + sable dans l’estomac = histoire de merde.
Non, il faut se convaincre soit même pour être pertinent et Raphaël redresse l’échine pour appuyer ses arguments.

« Bref, ce voyage j’avais pas choisi de le faire, c’était… une ini-tia-tion. »
Il tire une seconde bouffée, recrachant la fumée dans une quinte de toux.
Cherchant à se calmer il ronchonne :

« J’suis vraiment con… kof kof !
J’sors d’une flotte au taux de sel aussi élevé qu’une barquette de frites… kof ! dans laquelle j’aurai baigné pendant des heures et j’fume avant de boire de la flotte saine.
Faut trouver un point d’eau… et qui dit point d’eau potable dit bestioles j’crois. »

Fanellia errait dans la palmeraie. Elle avait passé sa semaine à ramasser des matériaux qu'elle stockait minutieusement dans sa réserve. Les crash et autres naufrages devenant de plus en plus nombreux, elle n'avait cessé de charrier encore et encore tout ce qui pourrait lui être utile dans l'avenir... Il faut dire sur cette île, mieux valait avoir trop que pas assez, tout était si instable, si imprévisible ! D'ailleurs elle devait songer à un agrandissement de sa réserve qui devenait trop étroite pour les nouveaux stocks qu'elle se constituait mais ça elle y réfléchirait dans l'après-midi... il fallait non seulement considérer la place par rapport à ses cultures, mais aussi voir combien de temps et de matériaux tout cela lui coûterait.

Aujourd'hui, elle s'était accordé un jour de repos. Fourbue par le travail harassant des dernières semaines, elle avait fait un premier crochet par la cascade. Profitant d'une heure creuse en prédateur, elle avait profité du grand soleil pour se laver. Elle avait enfilé une simple tenue : une tunique sans manche lui faisant office de robe, le tout cintré par une cordelette qu'elle avait tressé. Ses cheveux blondis par la soleil étaient relevés par un léger pic en bois taillé par ses soins.

Allant ensuite dans la palmeraie, elle avait prit avec elle un panier d'osier. Ramassant des fruits tombés au sol, elle comptabilisait ses repas et leur composition tout en se dirigeant vers la plage quand elle entendit des voix. Se figeant quelques secondes, elle soupira intérieurement. L'intonation des voix portaient trop sur l'interrogation, ce n'était certainement pas des marins mais sûrement des naufragés. Réfléchissant quelques minutes, elle finit par s'approcher des deux hommes sans se cacher, s'arrêtant à une distance de sécurité suffisante, laissant le soleil la baigner partiellement de lumière.

Son panier chargé au creux de son coude, sa main libre pendait dans le petit panier d'osier, ses doigts effleurant sans qu'ils ne puissent le voir, une dague acéré. Plissant les yeux, elle détailla comme elle le put les deux hommes à contre-jour :
« Excusez-moi... vous avez besoin d'aide ? »
Ayant l'habitude d’accueillir les naufragés, elle n'en restait pas moins prudente. Elle espérait juste que tout cela ne lui prendrait pas trop de temps, car même si elle considérait cette journée comme étant un jour de repos, la présence de ses inconnus prouvait qu'un nouveau naufrage avait eu lieu... et donc que du nouveau matériel était arrivé ! Qu'à cela ne tienne, elle repérerait ce qui l’intéresserait et si c'était nécessaire, elle troquerait les coquillages qu'elle destinait à son intéireur par du matériel de survie.

« Hum... qui sait... vous êtes peut-être venu dans le coin par un coup de ‘pouce magique’? haha... herm… »

Il n’avait même pas pensé à la magie, pauvre de lui ! Il détestait la sorcellerie et plus encore leurs pratiquants. La simple idée d’avoir été utilisé à son insu dans une machination magique lui collait la chair de poule !

Sa mâchoire se contracta brièvement. Il se remit à observer son interlocuteur avec méfiance. Comme si le simple fait d’avoir mentionner l’occultisme le rendait coupable de tous ces crimes…

Quoi qu’il en soit, une nouvelle piste s’offrait à lui et intérieurement, il pensait :

J’ai l’impression d’être arrivé à un carrefour d’où plusieurs routes se séparent. Chaque route menant à un nouveau croisement, puis un autre, et encore un… J’ai comme l’impression que je suis pas sorti de l’auberge !

Perdu au milieu de ses pensées, il continuait cependant d’accorder son attention au médecin qui poursuivait son discours.

« Je comptais rejoindre l’Amérique du sud pour… la solidarité tout ça.
Enfin au final j’n’aurais aidé personne. Y’a des gamins qui compteront un médecin de moins… Bref, ce voyage j’avais pas choisi de le faire, c’était… une ini-tia-tion. »

Les mots lui firent quitter sa réflexion. Ou l'intensifia, il n'aurait su le dire. Ses sourcil s'arquèrent , perplexe… Il réagit :

« Sans vouloir t’offenser Doc, ton histoire me semble bizarre. Je veux dire… T’as pas une gueule à faire dans le social… Cette histoire d’enfants malades qui t’attendent c’est louche… Surtout lorsque tu parle d’initiation un instant plus tard… Et puis, l’Amérique ? C’est quoi ça ?!

J’ai entendu dire qu’il y avait des troubles dans le Gorkhul sud. Pourrait-il s’agir d’une nouvelle baronnie émergente de la guerre civile ?

Il laissa un temps s'écouler durant lequel il exhala trois ronds de fumée parfaitement circulaire qui lui permit d'organiser ses idées. Posément, il reprit :

Tu sais Doc, en vrai je me fous de tes histoires… Que tu fasses des expériences sur les gamins ou que tu sois aussi bon que La Jouvencelle des Sept ça ne me pose pas de problème. Tout ce que je vois c’est qu’on est perdu ici tous les deux…

Alors qu’il allait poursuivre sa diatribe en confirmant la bienfondé de la dernière proposition du médecin, une voix douce et cristalline s'éleva dans son dos.

Excusez moi… Vous avez besoin d’aide ?

En un instant, la cigarette s’échappait de ses doigts tandis que sa main plongeait sur Corvenin. Il fit volte face en pensant :

Comment a-t-elle pu se glisser si près sans que j’l’aperçoive ?!

Pour la nième fois depuis qu’il s’était réveillé, sa mâchoire pendait. Une frêle jeune fille se tenait devant lui. A son bras était suspendu un large panier en osier aux trois quart plein qui la rendait encore plus fragile…

Pourtant, malgré ses gestes discrets et gracieux, l’intuition forgée par l’expérience de l’homme lui soufflait que cette belle plante avait toutes les chances d’être vénéneuse.

Dépité, l’homme lâcha le manche de son épée et sourit ; une nouvelle fois résigné à la fatalité.

Mwahaha ! Si vous pouvez aider ?! Simple figure de style je suppose…

Son visage se figea, contrastant du tout au tout avec le rire chaleureux résonnant un instant auparavant. Un regard de glace remplaçait les yeux rieurs tandis qu’une voix froide résonna. :

Par les Sept et l’Autre, qu’est-ce que c’est que cette mauvaise blague ?!

Qu’on arrête ce joyeux bordel et qu’on me dise comment rentrer aux Havres D’imladril parce qu’entre le docteur maboule et la jeune fille aux allumettes je commence à en avoir ma claque !

'L' Amérique c'est quoi?' Mais oui, quelle question. N'oublions pas le facteur 'salut je débarque d'un autre monde mais j'te l'ai pas clairement dit, parce que j'me crois encore sur 'ce' monde...'
*Évitons le choque psychologique?* pense ironiquement le médecin, toujours non au courant des liens entretenus bons ou mauvais d'Aigracier avec la magie.

Lorsqu'il s’interroge sur la véracité de son histoire, Raphaël sent poindre en lui un malaise qu'il traduit physiquement par un simple levé de sourcil... Dans le genre 'tu veux voir mes papiers?'. Le médecin soupire intérieurement en pensant à la meilleure la façon de réparer sa couardise et de se faire passer pour un mec de confiance. * Je ne mens jamais la première fois...*
C'est bien de s'auto vanner, mais il faut savoir se concentrer... et la suite du discours d'Aigracier lui fait lever le second sourcil.

*Il se fout de savoir du pourquoi j'suis là? Pourquoi il m'a posé la question alors... Merci pour la répartie de politesse mais garde ça pour toi mec...* -fronçage médicale de sourcils-

Se contenant intérieurement pour ne pas envoyer promener dans la jungle son seul partenaire de plage déserte, Raphaël fait rouler le bout de sa cigarette entre son pouce et son index. La pression qu'il y exerce finit par sectionner la partie consumée qui se détache.
Ça lui permettra de ne plus s'étrangler et surtout de conserver le reste pour plus tard.
Les clopes ne poussent pas sur des arbres et son partenaire ne lui en reproposerait peut-être pas... à moins qu'il ne cache un paquet magique qui multiplie les cigarettes à l'infini?
Au quel cas se serait un item ‘vachement utile’...

"Bah t'as raison 'mec'... on est paumé! Au diable notre vie passée, c'est le paradis qui nous attend..." la mine blasée il soupir avant de détourner la tête sur un bruissement, puis une voix.

Les lèvres du médecin se relâchent lentement et s’entrouvrent dans un souffle léger. Alors que son regard plissé, concentré à détailler le visage de celle qui approche, se détend lui aussi par une stupeur silencieuse. Raphaël se fige.
La voix de son 'partenaire' lui parvient néanmoins alors que le reste de son cerveau sonne creux.

*Figure de style... de quoi... ? Elle est là... elle connaît peut-être l'île son aide peut-être utile*
le doute lui laisse encore le moyen de réfléchir, mais le choque n'est pas loin.
Se tournant vers son partenaire à sa dernière remarque, irrité, Raphaël hausse le ton:

"Houu méga surprise mec!! Ouvre le rideau coupe le ruban bienvenue à paranormal Island le parc ‘d'attrape-con’ le plus grand du monde!!
On t’a préparé un gâteau avec une gogo danseuse cachée dedans !! Oups ! Tant pis pour la deuxième surprise !! Enlève le bandeau de tes yeux! Et arrête de faire comme si on pouvait te répondre! La réponse va pas tomber du ciel!"
*... ouais... ça pourrait bien...*

Se rendant compte de son emportement soudain Raphaël se braque et détourne le visage vers la jeune femme... Plus de doute cette fois.

"... Fanellia?..." le murmure de ce nom est vacillant, comme un susurrement redouté.
*Non... le soleil, la chaleur ou autre chose... Mon antidote aurait-il tourné avant que j'me l'injecte?*

Reculant vers la palmeraie, le regard terrifié, il s'apprête à prendre la fuite sur le champ.

Fanellia n'avait pas cillé face au mouvement brusque de Aigracier. Elle le savait, parfois certains rescapés vivaient très mal leur réveil... C'était d'ailleurs pour cela qu'elle avait volontairement laissé une distance de sécurité entre elle et ses deux hommes. Lorsqu'il s'était retourné, elle s'était contenté de serrer sa poigne autour de sa dague, poigne qu'elle ne desserra pas. Entre l'un qui remettait clairement en cause sa capacité à les aider, l'autre semblait avoir totalement viré fou. Elle observa les deux hommes tour à tour suite à leur emportement, puis tiqua légèrement à l'évocation de son prénom.

*Comment connaît-il mon nom celui-là ?*
Ne bougeant pas de sa position, elle ignora volontairement Raphaël, ne voulant céder aucun terrain quel qu'il était aux deux hommes. Lançant un regard détaché à Aigracier, elle se contenta de répondre :
« Si vous souhaitez mourir sur place, à votre guise. A part moi, personne ne voudra vous aider ici... ce n'est plus comme avant, les rescapés sont de plus en plus nombreux, la lutte pour la survie est impitoyable. »
Elle le jaugea de haut en bas puis précisa :
« Personne ne s'échappe d'Islaberu, alors perdez tout espoir de retourner d'où vous venez, quel qu'en soit l'endroit. »

Passant tranquillement son regard d'Aigracier à Raphaël, elle le fixa avec plus d'attention. Un grand jeune homme... blond... débraillé... mais sur cette île qui n'était pas débraillé à part la mairesse ? Le jugeant rapidement en pensée, elle eut une légère moue des lèvres, non il n'incarnait vraiment pas le genre de prince charmant qui arrive tel un héros pour vous sauver, connaissant déjà tout de vous. Il n'était pas le premier à l'avoir reconnu... alors elle en déduisait qu'il venait du même coin que les autres... sans plus de formalité elle dit :
« Je suppose que vous venez de... » elle marqua une hésitation sur le nom : «  Daimos c'est ça ?... »
Elle laissa sa question faire son effet avant de préciser directement :
« Vous n'êtes pas le premier à prétendre me connaître... deux autres l'ont fait déjà... un nain et un fou. »

Les fixant de nouveau tour à tour, elle finit par demander :
« Alors ? Que voulez-vous faire ?» Elle se méfiait d'Aigracier plus que de Raphaël, le guettant du coin de l’œil, elle serait prête à répliquer s'il tentait quoique ce soit contre elle...

L'homme ne supportait pas qu’on le prenne de haut, encore moins lorsqu’un inconnu se le permettait. Il savait qu’il n’était pas érudit, sa science ne se trouvait pas dans les livres –qu’il utilisait seulement pour allumer un feu ou lorsqu’il était en manque de papier hygiénique- et il reconnaissait aisément qu’il ne comprenait rien à la situation.

Ceci dit, le ton de son compagnon ne lui plaisait absolument pas surtout dans l’état de stress et d’incompréhension dans lequel il baignait. Sans une goutte d’alcool pour lui calmer les nerfs… Ainsi, il s’apprêtait à répondre à son partenaire en lui balançant une énorme mandale au milieu du nez.

Pourtant, alors qu’il se retournait son geste se figea brusquement. Le facies du malotru avait changé et voilà qu’il se mettait à reculer, horrifié, murmurant un son qu’il ne saisi pas.

Après un instant de surprise, sa colère repris le dessus et il reprenait sa route vers sa cible.

La voix claire tinta de nouveau :


« Si vous souhaitez mourir sur place, à votre guise. A part moi, personne ne voudra vous aider ici... ce n'est plus comme avant, les rescapés sont de plus en plus nombreux, la lutte pour la survie est impitoyable. »

« Personne ne s'échappe d'Islaberu, alors perdez tout espoir de retourner d'où vous venez, quel qu'en soit l'endroit. »

Encore, son mouvement s’immobilisa. Un feu intérieur lui déchirait les entrailles, il voulait se battre pour se calmer. Il voulait entendre l’impact mat de son poing rencontrant la chair et les os pour arrêter de penser. Il voulait voir le sang couler pour faire cesser la douleur.
Il ne comprenait rien de sa situation et se sentait perdre pied comme jamais depuis ce qui lui semblait une éternité. Sans même s’en rendre compte, le froid glacial et calculateur de son éducation balaya les flammes de sa folie.

Il se retourna et fit quelques pas en direction de la jeune fille tout en conservant une distance respectable.

Pfeu, lutter pour la survie tu dis ? Pas moyen de partir ? Crois-moi où non mais, je trouverais un moyen de rentrer chez moi et je retrouverais qui m’a amené dans trou. Ensuite je l'éliminerais ; je suis plus tenace qu’un clébard sur un os !

Excuse ma franchise mais, je n’ai pas d’autres choix que de t’écouter. Cependant, je ne comprends pas pourquoi tu m’aiderais TOI alors que tu dis que personne ici ne le ferait…

Un nain et un fou hein ? Faut pas que j'oublie d'aller chercher ma place pour le cirque... A moins que je ne sois moi aussi qu'une attraction supplémentaire sur cette ile de barés... Par l'Etranger où suis)je tombé ?!

Le médecin avait eu le temps de voir le mouvement stoppé par deux fois de son partenaire de plage...
Un coup de poing avec autant d'élan, figé à temps comme il le faisait ? C’était dosé trop ample ou trop lent et donc évitable par le premier mec au regard observateur sur son environnement!
*C'est comme ça qu'il surprend ses ennemis? En les prévenant à l'avance de ses frappes? Prends ton temps mec, j'vais m'en fumer une! Quand on veut frapper on frappe! On ne s’arrête pas au premier papillon qui passe!
Finalement... ses cicatrices sont peut-être celles d'un chaton furieux!* peste-t-il intérieurement.

La colère était alimentée par cette surprise et cette accumulation soudaine d'évènements déroutants.

Cette réaction avait achevé de l'irriter. Un mec qui se bouffait autant sur le 'pourquoi de son atterrissage' ici? Il laissait entendre plus avant que de savoir comment les autres avaient pu arriver ici lui importait peu !?
Et bien ça ne l’aidera certainement pas à avancer dans sa quête!

*Bien, qu'il reste seul et qu'il pose ses questions aux cieux, peut-être que le silence du vent lui répondra! Il n'a visiblement besoin de personne !
Ce questionnement prompt à torturer les autres sur le 'mec pourquoi j'suis là?!’ lui a quand même laissé le temps de fumer trois clopes aussi vite que la lumière ! D'un air j’m’en foutiste ? Il me rend taré ce taré !*
C'était un psychopathe atteint de schizophrénie? Ou Raphaël devait arrêter le sel?
*Voilà pourquoi j’voulais pas faire psy… Jack m’en a donné de bons exemples !
Fini les dégénérés !*

Quoi qu'il en soit Raphaël, agacé, était sur le point de fuir en plus du facteur... Fanellia?
Mais alors qu'elle semble le regarder sans le reconnaître un doute fait pencher la balance sur la personne qu'il a ‘cru reconnaître’?
*Ce... ce n'est pas Fanellia? Pourquoi ne me voit-elle pas...*
La suite des propos de la jeune femme lui glace le sang. *Islaberu*Un flash de souvenirs, vue par d'autres yeux ceux de son clone, lui reviennent en mémoire... cette mémoire aux images floues et lointaine qui lève le voile.
Toutes les îles se ressemblent hein!? Toute sauf celle-là !
*Daimos !* le mot de trop.

"Nan... Islaberu?... Ho merde..." souffle-t-il en reculant encore, son regard se perd sur le sol en même temps que son visage s’abaisse, une main soutenant son front subitement alourdi par le poids de sa destinée foireuse.

"C'est pas possible... pas possible..."
*C'est Fanellia...*Islaberu ne pouvait pas aussi contenir le clone de cette jeune femme, si? Nan il en était certain, c'était bien elle…
Devant un désaccord interne face à la situation à affronter, Raphaël se détourne pour courir dans la palmeraie.

[à suivre => Fuir à en perdre haleine ]

Fanellia avait bien fait de maintenir sa garde... Aigracier semblait encore plus fou que Raphaël au final ! Esquissant un pas en arrière pour stabiliser ses appuis, elle le laissa S’énerver, manquant de frapper son compagnon d'infortune par deux fois. Décidément il aurait vraiment du mal à encaisser le coup. Soupirant intérieurement, elle se posa sérieusement la question de sa présence parmi eux... devait-elle vraiment rester ? Après tout comme l'avait si bien soulevé Aigracier, elle ne lui devait rien.

Agacée elle allait pour répondre quand soudain, le second protagoniste sembla défaillir. Apparemment le nom de cette île ne lui était pas inconnu, ce qui souleva certaines interrogations chez la jeune femme.
*Comment peut-il avoir entendu parler de cette île... personne ne s'en ai jamais échappé.... !*
N 'ayant pas le temps de pousser plus loin sa réflexion, seul un froncement de sourcil trahit sa perplexité alors que le grand blond se met soudain à courir à toute allure dans la palmeraie. Le regardant passer, elle s'était à peine détourner de son chemin, le temps de laisser passer la tornade.

Un peu déstabilisé, elle se dit qu'au moins elle n'en avait plus qu'un à gérer. Retournant immédiatement son regard sur Aigracier, elle finit par lui répondre d'une voix qu'elle garda calme pour éviter d'empirer les choses :
« Écoutez de toute évidence... votre naufrage vous a sans doute choqué... veuillez vous calmer... si vous souhaitez chercher un moyen de partir d'ici libre à vous, cela ne me regarde en aucune façon. » Le regardant tranquillement elle ajouta :
« Mais je pense qu'il vous serait plus utile de penser dans un premier temps à votre survie non ? Cette île est remplit de créatures plus que redoutables... sans compter les changements de temps incessant... Si je vous propose mon aide c'est parce que je suis sans doute la seule à penser que la mise à contribution de chacun est la clef pour survivre... Si vous ne souhaitez pas de mon aide, je vous laisserai vous débrouiller et je repartirai, c'est aussi simple que cela. »

Elle parlait sans agressivité, ne voulant de toute évidence pas l'affronter, préférant en finir au plus vite, elle compléta :
« Il y a un village pas loin, où vous pourrez moyennant une contre-partie, trouver un logement et des informations sur l'île... ici rien n'est gratuit sachez le, les gens pensent d'abord à leur survie avant de songer à la communauté. Les gens sont très différents... vous le constaterez, chacun vient d'une époque ou de lieux différents. »
Lâchant finalement la garde de sa dague, elle ramena sa main de manière visible pour lui démontrer son pacifisme.
« Le chemin jusqu'au village est parsemé de pièges... Est-ce que vous souhaitez quand même tentez votre chance seul ? » lui laissant sa toute dernière chance, elle ne comptait plus s'éterniser.

Avant même que la demoiselle puisse répondre à la provocation de l’homme, son compagnon se mit à courir vers la ligne d’arbres. Commençant à prendre le pli des coups de folie qui se succédaient depuis son arrivée, il soupira et pensa ; sans aucune gêne ou marque d’introspection :

*Comment peut-on perdre ainsi son sang froid ?!*

Exhalant un long soupire de lassitude, il se contentait d’observer la jeune fille avec insistance. Comme si son regard pouvait percer l’âme et y dénicher les réponses qu’il souhaitait tant. A moins qu’il ne cherche simplement à découvrir la couleur de ses sous vêtements –genre d’idée saugrenue en pareil instant que l’homme était bien capable d’aborder-.

Ainsi, il écoutait avec attention les informations que Fanellia semblait prendre plaisir à rendre vague.


« Écoutez de toute évidence... votre naufrage vous a sans doute choqué... veuillez vous calmer... si vous souhaitez chercher un moyen de partir d'ici libre à vous, cela ne me regarde en aucune façon. »
« Mais je pense qu'il vous serait plus utile de penser dans un premier temps à votre survie non ? Cette île est remplit de créatures plus que redoutables... sans compter les changements de temps incessant... Si je vous propose mon aide c'est parce que je suis sans doute la seule à penser que la mise à contribution de chacun est la clef pour survivre... Si vous ne souhaitez pas de mon aide, je vous laisserai vous débrouiller et je repartirai, c'est aussi simple que cela. »

L’homme ne comprenait toujours rien à ce qu’on lui expliquait… Son arrivée ici restait un mystère qui l’obsédait. Il devait comprendre le pourquoi, il devait y avoir une raison à sa présence, il se devait de la saisir ; pour sa propre santé mentale. Il ne pouvait plus souffrir d’être utilisé comme un pantin, il vivait sa propre vie à présent. Découvrir qui tentait de manipuler les fils devenait une obligation…

Il se laissa tomber lourdement sur le sol puis s’allongea sur le dos, le fourreau d’acier protégeant Corvenin le gênait en pénétrant ses côtes mais il n’en avait cure. D’une voix cassée, empreinte d’émotion, au bord de la crise de nerf :

« Je vous en prie, vous écoutez moi ! Je ne suis pas naufragé d’un quelconque bateau, je n’ai aucun souvenir de comment je me suis retrouver sur cette île…

Je suis comme tombé du ciel sur une terre dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Ces arbres par exemple… »

Affirma-t-il en ponctuant ses mots d’un geste de la main en direction de la palmeraie. Puis, d’un ton plus serein poursuivit :

« On me parle de contrée dont je n’ai jamais entendu parler et pourtant, j’ai roulé ma bosse crois-moi ! Je luttais déjà pour survivre à Imladril et voilà qu’on me présente ma « nouvelle demeure » comme pire encore ! Et pour rien arranger, je remarque qu’on a fait mes poches… Non pas pour les alléger mais pour les lester d’une pièce bizarre, tu l’crois ça ?! Un peu choqué tu dis ?! Mon cul oui ! »

Il poussa un autre soupir.

« Tu as dis Chacun hein ? Donc, il y en a d’autres comme nous trois ? »

Il prit le temps de la réflexion.

« Si tu veux vraiment m’aider, guide moi jusqu’à quelqu’un qui pourra me faire rentrer chez moi…
Au moins, quelqu’un qui pourrait m’expliquer comment je suis arrivé ici… »

Fanellia fixait l'homme gravement... De quel mal avait-il été atteint pour réagir aussi bizarrement? Chacun avait sa propre manière de réagir face à un choc aussi grand que celui procuré lorsqu'elle annonçait la triste fatalité de cette île. L'homme s'était laissé tomber sur les fesses, puis le dos... Cette scène donna un frisson de gêne à la jeune femme... De quoi avait-il dont besoin...? D'un prêtre?... d'un médecin? Peut être qu'elle devrait tout simplement le relayer à un villageois qui s’occuperait bien de cette drôle de personne!

La jeune fille s'était toujours pensé d'un naturel facile et ouvert et aux autres, elle pensait savoir s'y prendre, mais visiblement avec cette homme elle avait tout faux! Et ça, cela avait le don de la rendre très mal à l'aise... Regardant avec une certaine attention l'étranger, elle l'écouta sans rien dire... Évidemment, les être magiques étant bannis du village, il aurait du mal à trouver un meduim ou autre personne du genre... il serait même très mal vu après une telle requête. Mais qu'importe cela ne la regardait pas. Jouant la carte de la compréhension elle déclara:

"Je vai vous conduire au village, vous pourrez alors chercher quelqu'un qui pourra peut être vous expliquer votre infortune... Sachez seulement que vous devrez sans doute payer pour un tel service.... le troc est plutôt courant ici... Peut être que cette pièce est la clef de votre fuite de l'île?" Elle haussa les épaules, puis sans l'attendre se retourna pour faire quelques pas.

"Vous venez?" dit-elle tranquillement lui lançant un sourire avenant. Elle le conduirait rapidement au village... et ensuite, elle continuerait sa journée... Cet homme devait manifestement trouver ses réponses par lui-même, elle ne se mêlerait donc pas plus de ses affaires.

* Un village ? ................. Bah, au point où j'en suis !*

Il était toujours allongé alors que ses pensées divaguaient en imaginant à quoi pouvait ressembler ce semblant de civilisation. Ce qu'il voyait était loin de le réconforter d'ailleurs... Des huttes de bois et de feuilles au style particulier, une paillasse grouillante de vermine, une hygiène douteuse et des habitants à la consanguinité flagrante, revêches et antipathiques... Bref, tout un programme que l'homme avait hâte de découvrir.

Sans grande conviction, ses abdominaux se contractèrent alors que son buste se redressait.

Je ne supporte pas ça mais encore une fois... J'ai pas le choix...

Il posa une main au sol et acheva son ascension. Une fois sur pieds, il regarda la jeune fille d'un œil vide. Un moment passa avant que l’homme demande d'une voix déjà fatiguée par la tâche qui l’attendait :

"C'est par où ?"

*Pourquoi diable ai-je la désagréable sensation d'être conduit à l'abattoir ?!*

Fanellia lui avait répondu distraitement :
« Suivez-moi ! » Ne jetant que quelques coups d’œil pour vérifier qu'il la suivait, la jeune fille avait commencer à suivre le chemin tracé au fil des années par les pieds des naufragés qui préféraient passer par le même sentier devenu plus ou moins sécurisé selon les innovations du moment. Évitant quelques pièges, elle lui en indiqua pour certains l'emplacement.

Aigracier semblait s'être calmé et la jeune fille se sentait un peu moins oppressé de le savoir bientôt au village. Elle n'aurait plus à subir ses changements d'humeur pour le moins fréquent. Il semblait avoir été plus qu'ébranlé par son arrivée sur l'île quand à son compagnon il avait pris la fuite dans la palmeraie... d'ici à ce qu'il se prenne dans un piège il n'y avait qu'un pas... le reverrait-elle un jour ?... elle l'ignorait, peut être allait-il mourir... enfin... 'disparaître' comme tant d'autres ?

Secouant la tête pour éparpillez ses pensées, elle traversa la palmeraie d'un pas tranquille avant de finalement s'approcher du village. Les effluves de feu de bois commençaient à se faire sentir dans l'air. Le bruit tonitruant des forges en pleine action effrayait le peu d'oiseaux encore aux alentours. Elle espérait au fond d'elle-même qu'Aigracier n'allait pas parler de magie partout, il serait sans doute rapidement exilé... à moins qu'il ne tourne son infortune à son avantage... Dans le doute, elle finit par s'arrêter, laissant le rempart se découper à une centaine de mètres plus loin :
« Vous voilà arrivé... Si j'ai un dernier conseil à vous donner... ce serait d'aller directement au centre pour vous renseigner dans l'auberge... Ne vous en faite pas vous trouverez facilement. Pour ma part le voyage s'arrête ici... » elle se garda bien de lui dire qu'elle était interdite d'entrer au village depuis quelques jours.

« Évitez de trop parler de magie... c'est très mal vue par ici. » réhaussant son panier au creux de son coude, elle lui fit un sourire et conclut :
« Bonne chance. » Sur ses mots, elle tourna les talons et s'en alla tranquillement quoique d'un pas légèrement plus pressé, elle avait perdu du temps avec tous ces événements !