De l'autre côté de la lune

Naufragé

Le sifflement d'un oiseau, ou peut être, celui du vent dans la pierre. Allongée, les yeux résolument clos, Faustine comptait, comme tous les matins. Dix. Puis vingt. Trente enfin. Ce petit instant qu'elle s'accordait au réveil pour ne penser qu'à elle même, sans se soucier du travail à venir et des tâches de la maisonnée.

Son lit était chaud. Avait-il toujours été aussi chaud ? Sous ses doigts, elle sentait le tracé granuleux que sa main crispée avait laissé dans le sable. Où était son lit ? Où était-elle ? Elle percevait à présent les grains qui cherchaient à s'insinuer dans son oreille, ceux qui collaient à sa joue. Sa robe était humide encore d'un séjour prolongé dans l'eau. Elle avait cherché à toucher le reflet, elle s'en souvenait à présent. Elle se souvenait également de l'air qui s'échappait, de ses doigts qui avaient éraflé la pierre moussue sur les bords du lavoir, et du goût de sel quand elle avait essayé de crier.

Le souvenir du sel s'imprima dans sa chair, sa gorge était en feu. Le commandement impérieux de la soif prit possession de ses muscles, la poussa à se redresser, à chercher un repère, n'importe quoi. Elle se tourna vers la mer. L'écume vint lui lécher les orteils dans un bruit de ressac, et Faustine réalisa que ses souliers avaient disparu. Ses petits pieds roses s'enfonçaient nus dans le sable détrempé. Une nouvelle vague éclaboussa le rebord déchiré de sa robe, plaquant le tissu humide contre ses jambes. Le sel s'accrochait à sa peau desséchée. Faustine songea avec nostalgie à la douceur de la rivière qui sinuait en contrebas de la Grande Maison, et où l'ombre des saules invitait volontiers au repos.

Le soleil était haut dans le ciel, ce qui la réconforta. Au moins serait-elle bientôt sèche. Dans son dos, un groupe d'arbres qu'elle n'avait jamais vu formait une ligne verte. De part et d'autre, la plage blanche s'étendait à perte de vue.
Au moment où Faustine se demandait si pour une fois dans sa vie elle pouvait s'accorder un instant de désespoir, son estomac gronda.

Bon. Elle pouvait aussi bien se lamenter le ventre plein. Avec l'optimisme de l'ignorant, elle chassa le sable qui commençait à sécher sur sa joue en se craquelant et entama la douce remontée de la plage en direction des arbres, espérant y trouver des fruits sauvages et une rivière.

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Fanellia était justement à l’affût de fruits secs en ce jour. Armée d'une fronde confectionnée par ses soins. Elle avait récupéré une corde fine dont la fin avait été nouée pour former le petit filet qui lui servirait à jeter les galets qu'elle avait récolté quelques jours plus tôt. Marchant entre les arbres, elle testait parfois la résistance de quelques lianes avant de continuer son chemin.

Au moment au Faustine atteignait les arbres, un projectile fusa soudain non loin d'elle. A un peine un mètre d'elle trônait désormais un galet. Puis s'en suivit des bruits de pas, et finalement Fanellia émergea de la végétation. Une jeune fille aux allures simples, sûrement à l'apparence sauvageonne de par la fronde qui enroulait son épaule, la petite machette ceinturée à sa taille et un filet dans lequel se suspendaient quelques noix de coco.

Haussant un sourcil, un poil surprise par l'apparition subite d'une naufragée face à elle, Fanellia s'arrêta quelques secondes, portant son regard de part et d'autre d'elle-même. Reposant son regard sur la jeune femme, elle sembla hésiter un instant puis dit franchement :
« Désolée... j'ignorais qu'il y avait quelqu'un ici... »

Un peu ennuyée, elle s'approcha pour reprendre son galet sans rien rajouter, persuadée de croiser une villageoise qui s'était peut être permis un écart de conduite avec un marin un peu plus tôt. Reprenant son bien, elle l'épousseta et le remis dans la bourse qui s'entrechoquait avec la lame de sa machette. Elle ne semblait pas plus se préoccuper de la jeune femme.

Naufragé

Alors qu'elle atteignait l'orée des arbres, un galet rebondit non loin pour s'arrêter en roulant légèrement, arrachant à Faustine un petit cri de frayeur. Tandis qu'elle remontait instinctivement ses jupons pour s'enfuir dans la direction opposée, une apparition fit son entrée non loin, à la recherche du caillou.

Une jeune femme.

Faustine n'avait jamais vu une telle personne. Oh, elle avait vu des femmes armées, et certaines guerrières de la compagnie paraissaient aussi féroces que les hommes. Mais celle-ci avait l'allure d'une sauvageonne.
Quoi qu'il en soit, il s'agissait d'une personne. Un sourire involontaire s'ébaucha sur le visage de Faustine, puis s'effaça lorsqu'elle réalisa le spectacle que sa mise devait offrir. Son chignon défait lui coulait dans le dos et sur les épaules en mèches éparses raidies par le sel. Ses vêtements lui collaient encore au corps par endroit, et son tablier blanc n'était plus qu'un chiffon irrécupérable. Elle imagina le silence offusqué de sa grand mère, le pincement de nez et le petit reniflement de dédain qui auraient accompagné une gifle cinglante, si la vieille femme avait pu la surprendre dans ce ruineux état.

Faustine se rajusta de son mieux alors que le feu de la honte lui brûlait les joues. Malgré son allure, la femme était belle, et ressemblait aux dames qu'elle avait servi deux ans durant dans la compagnie. Elle inspirait la confiance. L'apparition récupéra son galet, et paraissait sur le point de repartir. Faustine esquissa deux pas pour la suivre, craignant la perdre de vue. Elle ne pouvait la laisser s'échapper, cette femme serait peut être son seul et unique moyen de trouver le chemin du retour, celui de la Grande Maison à Cornemur.
Sa langue légèrement raidie par la soif peinait à faire rouler les mots. Elle parvint cependant à bredouiller quelques paroles d'excuse : "Je vous prie de me pardonner, je ne devrais pas me présenter à vous dans cet état..."
Sa voix était rauque et brisée, et Faustine marqua un instant de surprise à s'entendre parler, mais se résolu à continuer. Malgré le feu dans sa gorge, les paroles coulaient mieux à présent qu'elle avait commencé.

"Quel est cet endroit ?", demanda-t-elle, puis comme le souvenir du reflet dans le bassin lui revenait en mémoire, elle ajouta avec appréhension : "Sommes nous aux Havres Gris ?"

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Fanellia s'était légèrement détourner pour regard les arbres un peu plus loin, guettant quelques fruits qu'elle pourrait de nouveau attraper. Repérant ce qu'elle souhaitait voir, elle allait pour s'en aller sans plus de formes lorsque la demoiselle eut une réflexion qui pour le coup la surprit. S'arrêtant, elle détourna le regard sur sa personne la contemplant... Aurait-elle mal jugé ?

« Vous êtes... une naufragée ? » demanda-t-elle avec une certaine hésitation.
Considérant d'un œil nouveau la jeune femme, elle sembla se détendre, puis répondit :
« Vous êtes sur Islaberu... Une île... » Elle laissa sa phrase flotter ne sachant soudain plus vraiment comment aborder la jeune femme.

Ramenant une mèche de cheveux derrière son oreille, elle laissa son regard scanner rapidement son interlocuteur puis la rassura :
« Ne vous en faite pas... Ici il est difficile d'avoir une certaine tenue. » Elle esquissa un léger sourire puis se décida à prendre plus les choses en main :
« Depuis quand êtes-vous sur cette plage... mademoiselle ? »

Elle attendit un quelconque prénom puis ajouta :
« On me nomme Fanellia. Etes-vous seule ?... Il y a un village sur l'île qui pourrait vous accueillir si vous êtes travailleuse... »

Naufragé

Une naufragée...une île ? Quel était ce sortilège...?

Les chants de maître Espelor lui revinrent en mémoire, ceux qui parlaient d'une île loin à l'ouest, et d'une étendue d'eau si grande qu'on ne pouvait l'embrasser tout entière du regard. Mais ces chants étaient ceux des elfes, et elle n'avait jamais eu besoin de tenir pour vraies les légendes de leur peuple.

« Depuis quand êtes-vous sur cette plage... mademoiselle ? » La phrase resta en suspens quelques secondes, avant que Faustine trouve la présence d'esprit d'y répondre.
"Faustine, je ...je m'appelle Faustine.

La femme paraissait se détendre, pourquoi s'était-elle d'abord défiée de Faustine en la voyant ? La petite jeune femme renvoya au loin ces pensées pour adresser à Fanellia un sourire désarmé. On lui proposait un village, un travail, c'est plus qu'il n'en fallait pour combler ses pensées et ses mains ! La vie reprenait son cours, et elle ne doutait pas que ses compagnons allaient remuer tout le pays à sa recherche. Pour l'heure, il n'était pas grand chose qu'elle pouvait faire, sinon attendre. Comme toujours dans les pensées de Faustine, l'optimisme reprenait le dessus.

"Fanellia", dit-elle en remuant bizarrement le nom sur ses lèvres. "Quel nom étrange ! Il ressemble à celui des elfes, a t'il comme le leur un sens dans votre langue ? Vos cheveux ont la couleur de leur peuple, il n'y a pas beaucoup de blonds là d'où je viens."

Elle se hâta d'adopter l'allure de sa nouvelle compagne pour se porter au niveau de son épaule et marcher à son côté en direction des arbres qu'elle avait repérés plus loin. De ses petites mains, elle remontait ses jupes sur ses chevilles nues pour les empêcher de se prendre dans les taillis et les herbes inconnues sur les bords du chemin, "Et je me suis éveillée sur cette plage il y a moins d'une heure. Je suis tombée dans un reflet de lune, voyez vous".
Loin de l'effrayer, l'aventure semblait l'enchanter, maintenant que le souvenir du danger s'effaçait doucement de sa mémoire.
A dire le vrai, tout ici l'enchantait. Faustine se sentait dépaysée au delà des mots. Les parfums de la forêt lui tournaient la tête et ne se comparaient en rien aux sous-bois moussus de son ancienne contrée. A chaque nouvelle vague s'écrasant sur la grève lui parvenait l'odeur inconnue de l'iode, que les chants d'Espelor avaient si souvent conté sans pour autant lui faire comprendre sa richesse et sa complexité. Le cri d'une mouette éveilla dans son oreille un écho mélancolique et alors qu'elle tournait son regard en direction de la mer qui disparaissait derrière les arbres, elle sut que le chant des oiseaux blancs l’appellerait de nouveau en cet endroit.

Elle n'avait rien dit depuis au moins cinq minutes ! Les questions de Fanellia demeuraient en suspens, Faustine peina un instant à se les rappeler, elle ne voulait certes pas contrarier la belle dame.

"Je suis seule", dit-elle. Et la vérité de ces paroles lui cloua le bec de nouveau, car jamais elle n'avait plus durement ressenti la solitude de sa situation qu'en ce moment. "Seule..." répéta-t-elle plus doucement... "Et je serais ravie de voir votre village, je suis dure à la tâche, je ne sais rien faire d'autre". Sa voix se brisait, elle se tut donc. En passant une main fugace sur ses yeux pour chasser les larmes naissantes, Faustine se força à sourire. Sourire était important. La Fortune présentait toujours une face plus riante à ceux qui savaient se réjouir de tout.

"Quel est votre travail au village ?" demanda-t-elle en avisant le filet et la machette. Ses pas et son allure se calquaient peu à peu sur ceux de Fanellia.

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Fanellia avait repris sa marche vers le bord de la palmeraie. Amusée, elle avait tranquillement rit avant de commenter :
« Je n'ai rien d'une elfe... Je suis une fille tout ce qu'il y a de plus ordinaire vous savez ? »
S'arrêtant à l'ombre d'un palmier, elle écouta les nouvelles réponses de la jeune femme qui s'imprégnait doucement de ce nouvel environnement. L'observant en silence, une telle attitude rassura Fanellia qui avait peur de devoir la rassurer à chaque pas qu'elles devraient faire. Au fond cet optimisme pourrait même s'avérer inquiétante si la jeune femme ne prenait pas bien en compte les nombreux dangers que renferme cette île.

Farfouillant dans son sac, elle fit mine de ne pas voir les larmes de la jeune femme, puis lui tendit une gourde :
« Tenez... J'ignore si vous êtes bel et bien tombé dans une reflet de lune... mais ce qui est certain, c'est que la mer a dû vous malmener. »
Elle lui fit un sourire bienveillant bien veillant, puis lui désignant un tronc d'arbre, elle l'invita à s’asseoir :
« Je ne travaille pas au village je n'y suis pas autorisée. » avoua-t-elle sans complexe avant de s'expliquer :
« A l'image des elfes, il arrive parfois que des êtres avec des dons particuliers échouent ici... De par leur particularité, les villageois ont peur d'être un jour dominés par eux et ont décidé de vivre en autarcie loin de ses personnes, leur peur entraîne parfois des mesures qui dépasse la réalité. »

D'un geste de la main, elle désigna leur environnement puis compléta :
« Cette île est aussi belle que dangereuse... De nombreux prédateurs y vivent et il est important d'apprendre à se défendre. Le village reste votre meilleur chance, vous pourrez y vivre plus tranquille. Le système de base marche au troc... Dans un premier temps vous pourrez certainement proposer vos services pour de menus services... L'auberge principale est tenue par Harry Peacok... Il propose souvent une chambre en échange d'une aide pour le service des tables... Il vous faudra aussi vous faire recenser par la mairesse qui pourra a terme vous allouer une demeure. »
Elle s'arrêta un instant laissant le temps à l'inconnue de réagir.

Naufragé

Faustine s'arrêta sous l'ombre du palmier au côté de la jeune dame, et accepta la gourde avec un sourire reconnaissant, y puisant plusieurs longues gorgées pour étancher sa soif. Sous l'effet de l'eau, elle sentait le feu s'éteindre dans sa gorge, quel bienfait ! Au geste de Fanellia, elle prit place sur le tronc d'arbre, prenant soin de ne pas arracher davantage ses jupes malmenées par le naufrage. Il lui faudrait sans doute une nouvelle robe si elle devait travailler, mais à entendre sa sauveuse, Faustine n'était ni la première ni la dernière à arriver en pareille tenue.

En silence, elle buvait les paroles de la femme, il semblait y avoir tant à apprendre. Un petit pli apparu sur son front, alors qu'elle cherchait à se concentrer pour se les remémorer toutes. Pourquoi les dieux l'avaient-ils donc créée si sotte ? Elle se maudit de sa bêtise, sachant déjà à quel point il serait difficile de comprendre comment fonctionnait cette île. Mais quelque chose ne cadrait pas. A ses yeux, Fanellia avait l'air des plus normales. Le sujet paraissait sensible, aussi n'osa-t-elle pas l'aborder, mais son visage était un livre ouvert tandis qu'elle détaillait sa compagne, les yeux écarquillés.

"Harry Peacock", murmura-t-elle alors qu'elle nettoyait le goulot de la gourde d'un tour de main, puis la refermait pour la rendre à sa propriétaire. "La mairesse..."

Elle se raccrocha à un élément connu : "Les auberges, je connais bien, j'ai travaillé un temps pour celle de Cornemur, le patron était un peu bourru mais il payait à l'heure et fermait les yeux sur les choppes cassées."
En se remémorant son travail de ces deux dernières années, elle secoua vaguement la tête : "Je doute pouvoir servir à quoi que ce soit d'autre pour le moment..."

De nouveau, son regard s'arrêta sur les traits réguliers de Fanellia, cherchant à y percer le mystère de sa mise à l'écart. La question traînait sur ses lèvres, sans parvenir à se formuler. Faustine fini par s'entortiller les doigts dans son tablier flétri par la mer, comme elle le faisait souvent dans les moments d'embarras, en silence, attendant que Fanellia poursuive ses explications.

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Fanellia tâcha de la rassurer concernant ses dernières inquiétudes :
« Ne vous en faite pas... Harry est un homme bourru, mais vraiment bon dans le fond... et puis... » elle eut un léger sourire :
« Ce qu'il y a de bien sur cette île...C'est que vous pouvez apprendre à devenir et à être qui vous voulez ! »
Ses propres paroles la surprirent depuis quand l'optimisme était-il contagieux ?! Se reprenant mentalement, elle ajouta :
« Vous verrez, vous serez bien guidée au village... Restant seulement vigilante à votre propre survie. Ne soyez pas trop gentille, certains pourraient en abuser. »

Se redressant, elle se cambra tout en portant ses mains dans le creux de ses reins puis ajouta :
« Vous vous sentez prêtes à remarcher ? Je vai vous conduire au village. Vous verrez, vous ne pouvez pas manquer l'auberge ! Elle se trouve en face de la mairie qui est la plus riche masure au centre du village ! »
Regardant autour d'elles, elle ajouta :
« Il va falloir se faire discrète maintenant, les prédateurs pourraient nous repérer... je vous montrerai les pièges posé par les villageois pour leur défenses. »

Elle lui fit un sourire rassurant puis entama la marche, la guida pendant trois bonnes heures dans la végétation luxuriante. Se mouvant comme une féline, elle attendait parfois la jeune femme, avant de reprendre la route, tâchant de lui montrer les collets et autres filets postés non loin de leur passage. Il faisait chaud et humide... Mais finalement après l'écartement des dernières feuilles, en contre-bas de cet espace dégagé en terre se dévoilait le village. Émergeant de la végétation, Fanellia fit enfin une pause, puis repoussant son filet de noix de coco de côté, elle annonça :
« Et voilà... il ne vous reste plus qu'à descendre et profiter de votre nouvelle condition ! »
Elle tourna son regard sur elle, prête à lui dire au revoir.

Naufragé

« Ce qu'il y a de bien sur cette île...C'est que vous pouvez apprendre à devenir et à être qui vous voulez ! »

Le sourire de Faustine s'élargit devant ce soudain regain d'optimisme. Envolées ses questions, ses craintes et les désagréments. Il semblait après tout qu'une autre douce rêveuse se trouvait sur cette île. Sans doute la vie pourrait-elle être douce ici, peut être pourrait-elle s'établir peut être...

Elle se mordilla la lèvre. Non, ce n'était pas ce qu'elle désirait. Il lui fallait tenir en attendant que ses compagnons la cherchent. Sans doute la croiraient-ils enlevée, ils avaient déjà eu affaire à de nombreux brigands, et Faustine représentait souvent une faiblesse dans la cuirasse de la compagnie. Cette fois encore, ils viendraient, elle en était certaine. Mais rien n'interdisait pour autant de faire les choses bien !

Trois heures durant, elle trottina sur les talons de Fanellia, confuse de sa lenteur en voyant à quel point la dame évitait de la semer, gênée d'être pour elle un poids chaque fois qu'elle devait l'attendre en haut d'une pente particulièrement ardue dont Faustine arrivait péniblement à bout à cours de souffle, effrayée à l'idée qu'une bête sauvage puisse les dévorer. Lorsqu'enfin le village se dévoila, sa guide s'arrêta à l'abri d'un rideau de feuilles qu'elle écarta pour révéler la suite du chemin.
Faustine hésita. A quel point Fanellia était-elle indésirable dans ce lieu ? Des gens qui refusaient une femme si charmante pouvaient-ils être de bonne compagnie ?

"Etes vous certaine que vous ne pouvez venir...?" Avec un sourire qui ne parvenait pas à se duper lui même, elle ajouta "Je vous défendrai si quelqu'un vous embête".

Tournant de nouveau les yeux vers le chemin qui descendait, elle murmura, plus sérieuse : "Je...vous avez l'air forte...je ne pourrais vivre seule...mais si vous le voulez bien...j'aimerais vous rendre visite chez vous, à l'occasion. Vous porter des nouvelles, et vous remercier pour votre gentillesse. Sans vous, peut être aurais-je fini dévorée sur cette plage par les monstres dont vous parliez."

Elle se tut quelques instants, dans l'attente d'une réponse, puis esquissa son sourire le plus humble, avant de plonger dans une révérence de soubrette, ses jupes bleues étalées en corolle tout autour.
"Je vous fais mes adieux, belle dame, je ferai de mon mieux dans ce village. Adieu ! Adieu...et à bientôt."

Dans un grand froissement de jupes, elle s'élança sur les chemins après un dernier geste d'amitié, et ses pieds nus battaient la terre tandis qu'elle trottinait en direction du village, sans oser se retourner, de crainte de voir Fanellia, ou peut être au contraire, de ne plus la voir. Elle souriait à ce nouvel horizon qui s'ouvrait, totalement oublieuse des conseils sur la survie et la gentillesse et songeait déjà aux prochaines étapes : D'abord le tavernier, puis la mairesse...ou était-ce l'inverse ?

Ah bah, il serait bien temps de le découvrir.

Admin

Fanellia porta son regard sur la jeune Faustine. Sa gentillesse touchait la jeune femme, elle n'avait à son sens pourtant rien fait d'exceptionnel. Lui rendant un sourire aimable elle lui répondit honnêtement :
« Je suis soumise à restriction... aujourd'hui je ne peux pas aller au village, mais si le cœur vous en dit vous pourrez me rendre visite ! J'en serai même heureuse ! »

Secouant la tête, elle lui confia :
« Vous aussi vous êtes forte... vous le découvrirez damoiselle Faustine. Prenez soin de vous ! Rappelez vous... L'auberge, la mairesse... ! »
Lui donna ses dernières indications d'un mouvement de son index, elle lui fit un dernier sourire et lui rendit sa révérence.

« Portez-vous bien. » Et après s'être assurée que la demoiselle suivait le bon chemin, elle s'en retourna.

Suite pour Faustine : Aux origines de la fontaine