Il se leva…

…et ce fut, ainsi, la première chose qu’il fit.

Le bruit des vagues allait et venait et l’écume vint caresser son talon dans un crissement de sable. La plage autour de lui arborait les chatoiements pâles de l’aurore et la brume légère disputait le monde aux premières lueurs de l’aube.  
Seulement alors  sentit-il la douce brulure parcourir son échine.

Il prit le temps de se retourner pour faire face à la mer.
Loin au-delà des flots, se découpait sur l’horizon la clarté aveuglante de l’astre solaire, à peine émergé de l’onde.

L’eau ruisselait sur son visage et il prit le temps de contempler la lumière par qui, toujours, s’évaporait la nuit.
Son cœur se serra de voir le ciel s’éclaircir. C’était un spectacle qu’il appréciait toujours autant, pourtant il avait aujourd’hui un aspect nouveau.

Les vagues continuaient inlassablement leur roulement monotone…

Une fois…

Deux fois…

Dix, trente, cent, il ne put les compter toutes avant que le soleil ne soit complètement sortit de sa cachette.

Il finit par baisser les yeux et passa la main sur son visage pour chasser les boucles d’or de ses cheveux qui maculaient son visage.
Tournant sur lui-même, il f un tour d’horizon pour observer l’étrange endroit duquel il s’était levé.
Montagne, collines et forêts vinrent imprimer leur image dans le brun pâle de ses yeux.

Mais aucune trace de ce qu’il était venu chercher. Aucun coquillage, aucune pierre, algue ou rocher qui ne porta la lumière de celle qu’il chérissait tant…

Réprimant le feu d’une colère sourde, il entreprit de marcher à la rencontre du monde errant seul sur la plage.  

Il s’était levé…

…c’était la première chose qu’il faisait toujours.

Et à présent, il lui fallait marcher à la rencontre de ce jour nouveau et de ce qu’il lui apporterait.

Pourquoi ?

La question était pertinente.

Pourquoi s'était-elle levée de si bonne heure pour quitter le village ? Le soleil s'était à peine extirpé de l'horizon lointain, baignant l'île de ses premiers rayons chauds et rassurants. La faune exotique se manifestait déjà par des cris lointains qui étaient encore assez nouveaux pour elle. Là où elle avait vécu il y a peu encore, il n'existait pas pareilles créatures à celles de cette canopée. Ici, chaque créature, ou presque, menaçait de faire d'elle son repas du jour. Heureusement, elle trimbalait avec elle le bâton métallique que lui avait trouvé la Señorita Empirea. C'était bien suffisant pour l'heure pour se protéger.

Alors, en connaissance des dangers qui rôdaient hors du village, en connaissance également que ce danger ce faisait sans doute plus présent aux premières heures du jours, pourquoi Anna-Sophia s'amusait-elle à se promener en direction de la plage ?



Elle l'ignorait. Enfin... disons que les choses n'étaient peut être pas aussi simples. Elle n'avait pratiquement pas dormi de la nuit, trop absorbée par son travail, à mettre sur papier ses découvertes, et à chercher sur les vieux documents de nouveaux indices, de nouvelles possibilités. Et puis, elle vit le soleil poindre le bout de son nez.
Et allez savoir pourquoi, elle eut une drôle d'impression. Comme un appel muet venu du fond de son âme. Ces derniers temps, d'ailleurs, cette impression s'était déjà manifestée, notamment quand il s'agissait de prévoir la météo, ou de pressentir certains ennuis. Évidemment, ce don paraissait aléatoire, mais elle avait comprit qu'il fallait qu'elle l'écoute.
Et au petit matin, elle avait une fois encore décidée de suivre ce qu'elle avait innocemment nommé "instinct".

Elle avait apprit à connaitre le chemin menant du village à la plage, évitant soigneusement les pièges installés, et le pas rapide, elle se retrouva très vite et sans encombre à l'orée de la jungle.

Dire qu'elle n'avait plus remis les pieds sur cette plage depuis son arrivée. Elle n'avait pas osée, encore traumatisée par les cadavres de l'équipage qui l'avait accompagnée. Aujourd'hui, il ne restait plus rien de la carcasse de l'avion, et les corps avaient du, soit être enterrés, soit être dévorés par les animaux rodant alentours.

L'odeur iodée envahit ses narines. Ce n'était désagréable, mais cela ne lui fit pas plus d'effet que cela. Le bord de mer, elle connaissait peu, et ne se sentait pas le cœur à jouer les filles de la mer. Elle préférait de loin la terre ferme, et les vieilles traces de civilisations oubliées, les arts, ces choses que les humains avaient tendances à laisser derrière eux pour marquer leur passage.

Une ombre se mit à se mouvoir près des vagues venant se briser sur la plage. Elle paraissait humaine, mais de loin, elle ne pouvait présumer de rien. Si c'était un naufragé, comme elle ? Cet appel muet venait peut être de lui, qui sait ?
Elle se rappela avec quelle bonté Fanellia était venue à son aide, lui offrant quelques réponses, des conseils et la possibilité de rejoindre en toute sécurité le seul bourg de l'île. Aujourd'hui, c'était sans doute à elle de rendre cette générosité à quelqu'un, en espérant qu'elle soit tombée sur un être aussi paisible et aimable qu'elle même en arrivant ici.

Elle s'approcha de l'ombre, et au fur et à mesure, ses traits se firent distinguables, et tandis que quelques mètres les séparaient seulement, elle put enfin être certaine de sa qualité d'humain. Vêtu d'une simple chemise blanche pour tout bagage, il paraissait encore plus dans la détresse et le dénuement qu'elle l'avait été en échouant sur Islaberu. Tandis qu'il marchait également dans sa direction, elle prit le parti de s'arrêter à une distance qui lui paraissait sûre. S'il se montrait menaçant au final, elle pourrait au moins rebrousser chemin et fuir.

- Buenos Dias Señor ! Que puis je pour vous ? Vous venez d'arriver n'est-ce pas.

L’homme marchait sans discontinu jetant autour de lui des regards sur le paysage nouveau qui se dessinait autour de lui. Ses yeux fouillaient chaque recoin de roche ou d’arbre lointain qui put porter la trace de ce qu’il cherchait tant et si bien qu’il en oubliait de regarder son chemin.

Etait-il possible que ce lieu porte en lui le fruit de ses recherches ?
Y avait-il une réelle raison à sa présence ici ?
Il ne se souvenait ni de la route, ni des évènements qui l’avaient conduit ici. C’était comme marcher dans un rêve, comme…

La voix qui l’interpella soudainement le tira de ses réflexions et il s’arrêta aussitôt.

Non loin, à distance raisonnable se tenait désormais cette femme et elle lui parut ainsi, dans la clarté de l’aube, être née de la rosée. Il demeura un temps à l’observer sans cligner des yeux appréciant le spectacle vivant que lui offrait cette île puis ses lèvres s’entrouvrirent pour parler.

« Je ne sais pas. »

Il prit le temps de jeter un coup d’œil autour d’eux avant de s’empresser d’ajouter d’une voix ferme.

« Je suppose ! Je ne reconnais aucun de ces paysages. »

Elle semblait selon toute vraisemblance connaitre l’endroit et il loua cette île de ne pas l’avoir laisser errer seul trop longtemps.
Soudain l’évidence, pareille à un feu brulant, traversa son esprit…


« Vous devez êtes la maitresse de ces lieux ! »

…et l’instant d’après, il posait un genou à terre pour s’incliner avec déférence et rendre honneur à celle qui devait sans doute être son hôte.

De toute évidence, l'homme qui se tenait face à elle ne semblait absolument pas hostile à sa présence, ce qui lui permit de se détendre un peu. Bien qu'elle n'était pas à l'abri d'une soudaine folie de ce naufragé, elle était bien décidé à se montrer aussi accueillante possible.
La bonne nouvelle, c'était qu'il parlait une langue qu'elle comprenait, il n'y aurait guère d'ennui de communication, pour peu qu'elle évite de trop parler dans sa langue natale.

Il paraissait un peu à côté de la plaque, mais c'était bien naturel quand on se retrouvait soudainement sur cette île étrange, perdue au milieu d'un océan pas toujours calme et lisse comme en ce jour. D'ailleurs, comme bien souvent, la plage paraissait étrangement sereine après une tempête qui avait amené une fois encore un égaré.
Mais ses réponses étaient étrangement structurés et réfléchis pour quelqu'un qui venait de se retrouver dans un endroit inconnu. Mais elle même n'avait pas cédé à la panique à son arrivée. Elle avait intégré la nouvelle et l'avait vu comme une nouvelle chance, un nouveau départ.

Puis, soudain, il supposa qu'elle était la maîtresse des lieux, et en conséquence, il s'inclina à ses pieds, avec un respect si profond et sincère que cela en troubla la belle espagnole. Sur l'instant, elle demeura sans voix, très surprise, avant de finalement trouver une réponse.

- No... no. Pas la maîtresse des lieux. Juste une des habitantes de l'île.

Préférant ne pas lui laisser l'espoir et l'illusion de pouvoir un jour quitter l'île, elle lui annonça de but en blanc ce que serait son avenir désormais :

- Comme vous le devenez également. Ici, c'est Islaberu, et jamais personne n'a put quitter cette île.

Espérant n'avoir pas été trop dure dans ses paroles, elle ajouta, plus douce :

- je peux être votre guide, j'imagine que vous devez être fatigué et inquiet.

« Une…habitante …? »
L’assurance de sa voix s’estompa un moment et ne resta plus que l’attitude d’un désarroi juvénile.

L’homme se redressa avança vers son interlocutrice pour la dévisager de plus prêt.
Sitôt à sa portée, il se mit à tourner autour d’elle sans la moindre gène pour la détailler, son visage, ses habits, le bâton qu’elle portait.

« Islaberu… voilà un joli nom... »
Pensa-t-il tout haut avant d’afficher un franc sourire.
Visiblement l’île était habitée. Ca ne pouvait être qu’une bonne chose.

Il s’immobilisa alors, soudain étreint d’un malaise indescriptible.
La jeune femme lui avait donné son nom et il était d’usage d’en faire de même. Hélas il se trouvait bien en peine pour répondre à cette politesse.

Une lueur de colère passa dans ses yeux puis il soupira.

« Je me serai bien présenté moi-même mais je ne peux rien en faire. J’ai croisé une personne avant de venir ici qui m’a demandé mon nom… et je le lui ai donné. »

Son pied frappa le sable chaud puis plongea son regard dans le siens.

« Une fois qu’un nom est donné, vous conviendrez qu’il est difficile de le reprendre. »

Souriant il ajouta sans tarder

« Mais dès que j’en aurais retrouvé un qui me convienne je m’empresserai de réparer mon impolitesse, je vous en fais la promesse. »

Se faire dévisager de la sorte, comme un artiste contemplerait une oeuvre d'art, paraissait extraordinaire au regard de la jeune femme. Elle se retrouva gênée d'être ainsi au centre de l'attention de quelqu'un.
Puis, l'inconnu lui expliqua qu'il avait donné son nom à un inconnu, et que depuis, il n'avait pu le reprendre, l'ayant sans doute oublié. Une bien étrange explication, mais il semblait qu'en arrivant sur cette île, les gens laissaient derrière eux des choses d'une relative importance. Une vie, une famille, des promesses, des regrets, alors pourquoi pas un nom ? Anna-sophia estima qu'elle n'avait pas à exiger de plus amples explications, car si l'homme avait déjà oublié son nom, il était fort possible que sa mémoire ai occultée d'autres choses de son existence.

- Gracias señor, j'attendrais donc que vous ayez déniché un nom qui vous convienne. Je ne me permettrais pas de vous en donner un, car un nom est quelque chose de très personnel.

Puis, elle se mit à éclater de rire, se rendant soudainement compte que le naufragé avait sans doute commis une maladresse. Sans doute était-il si désorienté qu'il ne comprenait pas tout ?

- Islaberu est le nom de l'île. Mon nom à moi est...

Au diable de donner la totalité de son nom. Le nouveau venu ne se rappellerait certainement pas de tout. Elle allait palier au plus simple :

- ... Anna-Sophia Armadi. Anna suffira, tout le monde me connait sous ce nom ici.

Ou presque. Mais de part son travail de serveuse chez Harry, du monde avait finalement appris son nom.
Elle fit une courbette polie à son interlocuteur, montrant là son respect le plus digne et sincère. C'était une femme très bien éduquée et manquer à ses obligations était absolument hors de question, une véritable honte. Ce n'était parce qu'on s'échouait sur une île, habitée ou non, qu'il fallait adopter une attitude rustre.

- Je puis vous conduire au village, si tel est votre désir. Mais il vous faut savoir que tout se monnaye. Vous aurez un logement en échange de services, ou d'un travail. Et pour obtenir un travail, il faut demander audience à la Mairesse. C'est elle qui dirige le bourg.

Il ne sut si il devait entrer dans un brulante colère ou se confondre en excuses quant à l'erreur qui l'avait commise. évidemment qu'Islaberu ne pouvait être que le nom de cette île. Comment avait-il pu être aussi stupide. il réfréna un embrasement de colère fermant les yeux et murmura.

"Bien...Anna."

Il écouta patiemment son interlocutrice parler de ce village et un mot le fit bondir.

"Travailler ?" s'exclama-t-il à voix haute ?
Il la regardait sans comprendre.

"Travailler est le propre de ceux qui veulent posséder en donnant leur vie à la cause de plus fortunés. Et je ne dois rien à personne !"

Il fronça les sourcils se renfrognant. Demandait-on à la mer de travailler ? Pourtant elle venait chaque jour lécher les rives de cette île sans qu'on ne l'accable d'un tel fardeau.
Il n'avait pas l'intention de travailler. Il trouverai quelqu'un chez qui loger...ce qui le ramena à son interlocutrice.

"Vous habitez au village ? Si oui, vous m'hébergerez..."

Il s'empressa d'ajouter pour ne pas manquer de politesse :

"....Anna."

Souriant à nouveau d'un air confiant et avec l'insouciance juvénile d'un homme qui ignore tout de la dureté du monde il s'exclama avec bon entrain.

"Bien ! Conduisez moi dans votre maison puis j'irai poser des question à cette mairesse... et en chemin vous m'expliquerez ce qu'il en est de ce village."

La réponse qu'offrit cet inconnu face aux propos de la jeune femme laissa cette dernière totalement atterrée. Visiblement, le simple fait de devoir donner de sa personne pour obtenir une chose équivalente semblait étranger à son concept de vie, voir l’horripiler. Curieux personnage.
Elle préféra ne pas relever tout d'abord. Puis, il lui demanda, encore que le terme était un peu fort, qu'elle l'emmène au village et de l'héberger. Pas un s'il vous plait à l'horizon, et il semblait presque exiger. Un ton qui déplut assez à la jeune femme. Mais en demoiselle de bonne famille, elle ne haussa pas le ton, et ne montra pas plus que cela son embêtement.

- Je puis vous amener au village, car seul vous n'y arriverez pas. Trop de pièges protègent son accès, et sans savoir où mettre les pieds, vous tomberez fatalement dans l'un d'entre eux.

Il continuait dans ses directives, toujours pas un merci ou un s'il vous plait dans ses phrases, et lui qui paraissait si agréable au premier abord, devenait soudainement de plus en plus déplaisant.

- Evidemment, je vous permets de me poser les questions que vous voudrez, car vous ne connaissez rien à cette ile. Cette requête est légitime. Cependant...

Elle pinça ses lèvres d'agacement, peu ravie qu'un inconnu exige de partager sa maison, son refuge, et ce gratuitement. Lorsqu'elle était arrivée au village, personne ne l'avait hébergée gratuitement, elle avait fournit un travail qui méritait pitance et logis. Ce naufragé ci ne ferait pas exception.

- ... Croyez bien que je n'ai pas pour habitude de ramener des inconnus chez moi. Et il n'est pas question que je déroge à mes dites habitudes. S'il vous déplait de travailler pour mériter ce que l'on va vous offrir, cela ne relève pas de ma compétence. Je vous mènerais à la Mairesse, vous aurez tout le loisir de lui expliquer votre point de vue à ce sujet.

Puis, elle voulut changer de sujet, n'ayant pas coeur, de si bon matin, de se retrouver contrariée. Et puis, cet homme devait divaguer. Elle avait accepté très simplement les règles qui régissaient les lieux, et elle s'était assez aisément intégrée au village. La Mairesse ferait ce qu'elle voudrait de cet étranger là, qui n'avait même pas de nom à lui, cela ne concernait pas la jeune femme. Ses préoccupations résidaient ailleurs, bien loin des questionnements du naufragé.

- Au pire, Vous irez loger à l'auberge, le patron, Harry, est un homme qui peut vous faire crédit du logement et des repas le temps de votre intégration. Suivez moi.

Elle se dirigea vers l'orée de la jungle, où les cris des animaux résonnaient encore, preuve de la multitude la fauve qui vivait sur l'île. Des créatures que cet homme ne devait pas connaître, et de ce qu'en avait constaté Anna-Sophia, elle était tout à fait unique en son genre. Ces animaux là ne devaient exister que dans cet endroit du monde, sinon de l'univers. Mais du monde, Anna-Sophia n'en savait que ce qu'on lui en avait apprit, et de l'univers, elle n'en devinait que ce que lui en offrait sa vision, c'est à dire bien peu. Et consciente de cette ignorance, elle veillait à ne jamais s'amuser à en disserter sans savoir.
Tandis qu'elle marchait, menant l'homme en direction du territoire "civilisé", elle ajouta :

- Ce village est sans aucun doute un mélange de culture, et peut être que sa physionomie vous surprendra. Les gens d'ici viennent d'une multitude d'horizons, et visiblement, d'une multitude d'époques. Les croyances de chacun diffèrent, mais dans l'ensemble, les habitants ont opté pour une religion qui semble commune. Seul le Padre Lucius pourra répondre à vos questions existentielles.

Il écouta la jeune femme en silence, une pointe de contrariété embrasant son regard. Comment pouvait-elle le traiter ainsi ? On ne lui refusait jamais l'hospitalité. Les gens, même, lui ouvrait grand les portes et les fenêtre pour l'inviter à entrer et a demeurer le plus longtemps possible. Les mères lui ouvraient la chambre de leur fille, les pères aimaient à se reposer en sa présence, les fils l'invitaient à leur jeux dans les jardins...

Les apparences...
Les gens ne semblaient régis, ici que par les biens et les apparences.
Envolé l'hospitalité et le partage. Envolés les rires qu'il aimait entendre...

Lorsqu'elle eut terminé il la regarda avec tristesse. Sa contrariété s'en était allé et ne demeurait que l'obscur regret d'une harmonie pour laquelle il s'était levé si souvent.

"Par..pardonnez moi..." balbutia-t-il avec peine.
"Je n'ai pas parlé aux gens depuis si longtemps... je n... n'ai pas su voir que les choses avaient tant changés... Je... je voulais être poli..."

Il la suivit en silence marchant à ses côtés. Comment se pouvait il que le monde soit si triste...?
Il 'écoutait parler ses pas avançant machinalement sur le sol. La sensation qu'il éprouvait au contact de ses pieds nus sur celui-ci était étrange pour lui. Tout semblait si étrange vu de si prêt.
Elle parla de culture, de religion...tous ces mots qu'il ignorait. Il eut le sentiment que malgré le jour, peu de chaleur parvenait jusqu'ici et il frissonna. Levant machinalement les yeux au ciel, il s'assura que la nuit était encore lointaine.

...des questions existentielle ?

"Un instant !"

Soudainement il s'arrêta et saisit Anna pour presser sa main contre sa bouche afin de la faire taire.

Au loin il lui sembla percevoir un chant. Il roulait monotone au delà des arbres et il ne se souvenait pas en avoir entendu de pareil.
relâchant la jeune femme, il se tourna vers l'orée de la forêt.

"Vous entendez ?"

C'était comme un appel auquel son émerveillement ne put résister.
Un à un, ses pas se dirigèrent vers la voute boisée, de plus en plus vite.

"Vous entendez ?" Répéta-t-il en riant.

En peut de temps il se retrouva en train de courir disparaissant entre les arbres de la jungle et son rire retentit un moment avant de s'éteindre dans la lumière du jour.


(HRP : La suite à la cascade : "le chant de l'eau". Tu peux nous y rejoindre bien sur si tu le désire . Je l'avais ouvert en attendant ta réponse et du coup il faut que je raccorde les deux sujets avant de voir le village. )

Alors qu'ils rejoignaient le village, l'homme s'arrêta soudainement, l'oreille tendue. Il répétait sans cesse si elle entendait. Entendre quoi ? Le bruit de la jungle environnante ? L'écho de la faune invisible mais bien présente ? Son bras était prisonnier de l'étreinte de la main de son comparse. Elle ne s'en formalisa pas du tout, mais trouva par contre l'attitude étrange.
Finalement, elle avait bien entendu quelque chose d'assez inhabituel, surtout sous la canopée, mais de là à l'identifier avec certitude, elle en était bien loin.
Elle ne put répondre que le naufragé s'en était allé en direction du bruit, la laissant plantée là, hagard, surprise, complètement à côté de la plaque.

- No ! Ne vous enfoncez pas dans la jungle ! Les lieux ne sont pas surs pour un humain !

Elle serra son bâton dans ses mains, et tandis qu'elle voyait la silhouette de l'homme se fondre dans le sous bois, presque invisible, elle se lança à sa poursuite, priant pour qu'il n'arrive rien à cet inconscient.

[Suite dans : Le chant de l'eau]